Si javais à résumer sa vie en trois mots, je dirais les trois mots suivants: courage, volonté et générosité.
Marie Cantin est née le 24 octobre 1908 à Ste-Catherine de Fossambault près de Québec. Elle était la troisième d'une famille qui allait compter treize enfants et elle était la plus vieille des filles. Ce qui veut dire qu'elle a appris très tot à changer des couches et donner des bouteilles.
Une première épreuve de taille: elle n'a que 14 ans quand son père meurt. Plus que jamais elle doit assister sa mère et veiller au bien-être des plus jeunes, un rôle qu'elle gardera auprès de sa famille pendant toute sa vie. Elle avait rêvé de devenir institutrice mais elle doit abandonner l'école pour devenir "fille engagère" chez les gens de la ville. Vie de labeur et d'effacement. De sa paye elle ne garde rien, sauf ce qu'il faut pour acheter des bonbons à ses frères et soeurs. Etrange compensation de la vie: ses trois filles deviendront institutrices. Ou peut-être est-ce la manifestation d'une volonté qui trouve toujours le moyen de parvenir à ses fins.
Les photos de cette époque nous montre une belle jeune fille au regard franc. Pourtant tout n'est pas rose. Dès l'âge de 24 ans, elle est atteinte de l'asthme et passera le reste de sa vie à chercher son souffle. Ce qui ne l'empêchera pas de se dépenser sans compter.
En 1934, elle suit sa famille vers les terres nouvelles du Nord de l'Ontario. Dépaysement total, pays étrange, souvent hostile. Pourtant, elle fait face et s'adapte.
En 1936, elle épouse Ubald Germain qui l'a suivie ou précédée du Québec. Ils s‘installent dans un camp en bois rond sur un lot non défriché de la concession de Ritchie. Sans eau courante, sans électricité, sans aucune des commodités que nous connaissons tous aujourd'hui.
Bientot, les enfants commencent à arriver. Comment faire face à ces grossesses, ces accouchements, les soins à donner aux enfants, l'aide et le soutien à apporter au mari, et tout ça, dans le dénuement le plus total et avec une santé chancelante? Je ne sais pas. Pourtant, elle le fait! A force de courage, de volonté et d'oubli de soi. Les accouchements à la maison ou à l'hôpital où il faut se rendre en traîneau a chiens en plein hiver, rien ne l'arrête. Huit enfants naissent ainsi. Et comme si ça ne suffisait pas, elle trouve la force d’en adopter deux autres.
En 1947, la famille déménage sur le "chemin du Lac". La vie est un peu plus prospère. Mais elle reste extrêmement laborieuse. Il faut tout faire: la nourriture, les vêtements, etc... De plus, son mari passe ses hivers dans les chantiers de sorte qu'elle assume seule la responsabilité de la famille et de la ferme qui s'agrandit. Sa santé ne s'améliore pas et de nombreux matins la trouvent sans force devant l'immensité de la tâche à accomplir. Pourtant, elle fait face, dépensant sans compter jusqu’à sa dernière once d’énergie.
Les enfanis grandissent, partent pour le travail, les études. Elle continue de les guider et de les aider. Puisant dans ses maigres ressources, se privant du superflu et souvent même du nécessaire, elle réussit à en mettre six en pension.
Une terrible épreuve l'attend. En 1963, lors des événements de “Reesor Siding", son mari est accusé de meurtre. Quelle ironie du sort pour un homme qui n‘aurait pas fait de mal à une mouche! II ne s'en remettra jamais complètement. Marie doit avoir du courage pour deux.
Et elle en a.
En 1969, sonne l'heure de la retraite. Elle déménage à St-Pie-X avec son mari. A quelques pas de l'Eglise, c'était un de ses réves - sans ferme, les enfants déja grands, c'aurait dû être un temps de repos bien mérité, l'occasion enfin de jouir de la vie. Hélas, il n’en est rien. Ubald est atteint de la maladie d'Alzeimer et doit faire l'objet de soins et de surveillance constante. Pourtant elle ne se plaint pas et ne s'en remet à personne. Elle assume presque seule cette responsabilité lourde et ingrate au détriment de sa propre santé. Elle qui n'a jamais été bien grasse, ne pèse plus que quatre-vingts livres.
Après la mort de son mari, elle continue seule dans la vie. Installée à la Villa Beauséjour, elle ne perd pas son temps consacré aux activités sociales, religieuses et à l'artisanat. Combien de ses enfants et petits-enfants ont encore de ses pantoufles, couvertures, bas de laine ou bibelots?
Vers la fin de 1988, ayant célèbré son quatre-vingtième anniversaire, elle affronte l'épreuve finale: le cancer. Elle doit quitter son petit appartement, fréquenter les grands hépitaux où on ne parle pas toujours sa langue, subir deux opérations. Sa bonne humeur est à peine entamée. Sa volonté et son sens de l'humour, elle les a gardés jusqu’a la fin. Ainsi, elle a refusée de mourir pendant l'été pour ne pas gâcher les vacances de personne. Quelques jours avant de mourir, elle trouvait encore la force de faire des farces. A quelqu'un qui lui reprochait de ne pas exiger assez d'attention des infirmières, elle a répondu: "Je ne sais pas trop comment m’y prendre. C'est la première fois que je meurs”.
Chère maman, grand-maman, soeur, belle-maman, belle-soeur, amie, nous ne doutons pas que l'immense foi qui t'a soutenue toute la vie trouve aujourd'hui sa récompense. Ou que tu sois, puisses-tu goûter enfin le repos et la paix. Mais en partant laisse-nous ton courage, ta force de volonté et ta générosité. Nous en avons besoin...
--- Soumise par Gemma Cantin Boucher
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