Entrevue avec Jean-Marie Gratton et sa femme Yvonne, née Bouchard

conduite par Agnès Cantin, juin 1977

Origine de l'entrevue

La transcription de cette entrevue me fut partagé par Omer Cantin, dans un fichier Microsoft Word, en décembre 2021. L'entrevue avait été réalisée par Agnès Cantin (petite-fille de Jean-Marie Gratton et Yvonne Bouchard), alors qu'Agnès étudiait à l'université d'Ottawa.

Je voudrais donc remercier Omer pour avoir partagé cette transcription. Aussi, dans les mots d'Omer concernant une autre entrevue, nous nous devons de prendre l'information dans ce genre d'entrevue avec un grain de sel: pour expliquer un peu plus, ce genre d'entrevue traite d'évènements qui se sont passés il y a plusieurs décénies. Les détails échappent après 30, 40, 50 ans!

Par contre, le contenue est très important, et pertinent. Seulement, certains détails, les dates par exemple, peuvent variés quelque peu.

La mémoire n'est pas parfaite!

Biographies

Pour clarifier quelque peu le contexte, voici une courte biographie de Jean-Marie Gratton et d'Yvonne Bouchard.

Jean-Marie Gratton (1890-1979)

Jean-Marie Gratton est né en 1890, à Ste-Thérèse de Blainville, au Québec.

Sa famille déménage au Lac Ste-Thérèse au printemps 1932. Après avoir demeurés quelques mois au haut de la première église du Lac pendant la construction de sa maison, il s'est installé sur le lot 23, rang 8.

En 1941, il achète le magasin de M. Ulric Simard, qu'il rebâtira en 1947, et gardera jusqu'en 1961. La terre du magasin est voisine de la terre d'Alphonsine Cantin - elle est située directement au nord de celle des Cantin.

En 1935, il pert sa femme, Luce Grignon; il se remari en 1946 avec Yvonne Bouchard, veuve d'Edmond Larose.

Deux des filles de Jean-Marie (Madeleine, et Irène) marient deux des garçon d'Alphonsine (François et Pierre). Pierre est le père d'Agnès et d'Omer.

Jean-Marie est donc le grand-père maternel d'Agnès et d'Omer Cantin.

Yvonne Bouchard (1909-1989)

Yvonne Bouchard est née en 1909 à Saint-Adèle, au Québec. Sa famille a déménagée à Hearst en 1918 (elle avait 9 ans), puis au Lac Ste-Thérèse quelques années plus tard; deux de ses frères ont aussi achetés des terres au Lac (lot 24, concession 6; lot 25, concession 9?).

Un an après la mort de son père (en 1925), elle s'est mariée en 1926 avec Edmond Larose. Ils se sont installés sur le lot 25, rang 7 (en face de celle d'Alphonsine Cantin).

Elle perd son mari en 1944, et se re-marie en 1946 avec Jean-Marie Gratton.

Notes sur la transcription

Entrevue

Agnès: lorsque que l'enregistrement débute, la conversation est déjà en cours. C'est Yvonne qui parle en attendant que Jean-Marie se réchauffe.

Afin de facilité la tâche, les personnages seront identifiés par leur prénom seulement. J'espère que personne ne sera offusqué de cette décision qui n'enlève rien à l'admiration et au respect que j'ai toujours eu pour Pépère et Mémère.

Sans plus de préambule, retrouvons Yvonne et Jean-Marie qui se confient à leur petite-fille Agnès en cette fin de printemps 1977 à Hull.

Yvonne: Je suis née à Sainte-Adèle en 1909. Puis à l'âge de neuf ans, on est monté dans le nord. Papa était monté le printemps avec mes frères et puis après ça, nous autres, la famille, on est montée au mois de septembre.

Papa avait acheté une terre l'autre bord de Hearst, à peu près deux milles plus au sud. Il y avait à Hearst, dans ce temps-là, à peu près une dizaine de maisons, pratiquement pas de français. Quand on est allé à l'école nous autres, c'était de l'anglais; on avait seulement une heure de français par jour.

Ensuite, papa était allé voir le Lac Sainte-Thérèse. Il avait entendu parler des terres en bois brûlés qu'ils appelaient: il y avait de la grosse argent à faire. Ça fait qu'il est monté, il a acheté une terre qu'il a défriché pour bâtir une maison.

Puis là, la famille est montée, mes frères se sont achetés une terre voisine de chez nous. Et puis un autre de mes frères avait la terre au bord du lac. Après ça, il y a un M. Denis qui est venu s'installer en avant de chez nous.

Un peu après, mon premier mari, Edmond Larose, a pris la terre voisine de M. Denis. À ce moment-là, papa est mort, je pense que c'est quatre ans après qu'on a été rendu au Lac Sainte-Thérèse. Dans ce temps-là, ça s'appelait Notre-Dame-du-Lac. Et puis...

Jean-Marie: Par où vous passiez?

Yvonne: On passait... Les chemins étaient pas faits pour se rendre au Lac du tout. On se rendait jusqu'au «pit» de gravelle, puis là on prenait un chemin de bois et on traversait sur la terre de Jack Visdon, puis chez Cloutier et de là on se rendait jusqu'à notre lot à nous autres.

Le chemin du «pit» de Gravel à aller au Lac Sainte-Thérèse était encore en souches quand on s'est en aller là. Mais après ça ils ont commencé à faire les chemins.

Papa est mort en 1925 et moi je me suis mariée en 1926. Quand je me suis mariée, les chemins étaient faits. C'était tout déblayé, les chemins de terre jusqu'au Lac Sainte-Thérèse.

Et puis, on a eu au Lac Sainte-Thérèse, de l'inquiétude dans un restaurant, qui était sur la terre de mon frère. C'était un restaurant, mais qui ne marchait plus; alors ils sont venues dire leur première messe là. La première école a été en bas, là près du lac.

Jean-Marie: Dans Casgrain?

Yvonne: Mais non! Il y en a eu une près du lac. C'est là que mes jeunes ont commencé à aller à l'école, près du lac Sainte-Thérèse, où il y a eu la chapelle. Avant la chapelle, il y a eu l'école. Et puis, après ça, ils ont bâti l'école.

Agnès: Est-ce que vos enfants ont tous été à l'école, ou juste les derniers?

Yvonne: Oui, ils ont tous été à l'école. Rita a commencé à aller à cette école-là. C'était Mme Vaillant qui enseignait et qui a été la première maîtresse là. Rita, Thérèse et même Jeannine, je pense qu'elle a été à l'école là.

Agnès: Puis les curés...

Yvonne: C'est Mgr Lambert qui est venu dire la première messe au Lac Sainte-Thérèse.

Agnès: Est-ce qu'il est resté longtemps?

Jean-Marie: Mgr Lambert? Oh, il est venu dire la messe. C'était M. Brosseau qui était desservant du Lac Sainte-Thérèse.

Yvonne: Puis Mgr Lambert, lui, la maison qu'il y a là actuellement, il l'a bâti pas mal en même temps qu'Aimé s'est marié.

Agnès: Aimé, c'est votre frère?

Jean-Marie: Oui, c'est lui qui avait la terre au bord du lac.

Yvonne: Oui! et puis le printemps, en machine, pour un bon bout de temps, ça montait pas parce que l'eau montait trop et les machines ne passaient pas. Des fois, ça allait au milieu ou à la fin de juin avant que les premières machines puissent monter, dans ce temps-là.

Agnès: Est-ce qu'il y avait d'autres gens d'installer au Lac?

Yvonne: Il y avait Cloutier, où on passait, qui était en arrière de chez nous. Il y avait aussi des Finlandais, qui était un peu éloignés. Nous, où on avait nos lots, il y avait nous autres, puis après ça, il y a eu M. Denis qui est venu s'installer en avant.

Jean-Marie: Vous étiez dans quelle concession vous autres?

Yvonne: Sur le chemin du «pit» de Gravel, là.

Jean-Marie: Le rang cinq, après ça c'était le six et le sept où était Edmond, nous autres c'était le huit et le neuf. Vous étiez sur le cinq.

Agnès: Le rang huit et neuf, que vous dites, c'est le rang du magasin au Lac où il est encore aujourd'hui?

Jean-Marie: Oui.

Yvonne: La première maison, nous autres, c'était juste une maison ordinaire; il y avait une chambre à coucher en bas, puis une grande cuisine. On était toute la famille encore.

Puis après que j'ai été mariée, nous autres aussi, c'était une maison bien ordinaire. Tiens, quand je me suis mariée, c'était encore la même maison que quand j'ai vendu la terre à M. Ubald Germain. C'était la même maison que j'avais, puis les mêmes bâtiments que mon premier mari avait bâti.

Agnès: C'était une maison à deux étages?

Yvonne: Oui.

Agnès: Il y avait combien d'appartements au-dedans? Est-ce que c'était divisé?

Yvonne: En haut, on avait trois chambres à coucher. Et puis en bas c'était tout en ouverture. C'était les mêmes bâtiments que quand M. Germain a acheté.

Agnès: Voulez-vous parlez de vous, là pépère?

Yvonne: Envoye.

Agnès: Commencer un peu.

Jean-Marie: Nous autres, nous sommes arrivés au Lac en 1932. Et puis, nous avons pris un lot; on était venu dans le printemps voir ça. Avec l'abbé Brosseau on avait visité des lots, en raquettes.

Yvonne: T'étais venu chez nous, la première place.

Jean-Marie: Oui, la première place que j'avais faite, ça avait été chez Edmond Larose. On était arrêté pour dételer là.

Et là, j'avais décidé de prendre le lot 23 est sur le (rang) 8. De là, en même temps que nous autres là, le même printemps qu'on est arrivé, chez M. Desfossés sont arrivés aussi.

Eh puis, la famille Cantin est arrivée dans le printemps suivant. C'est moi qui avait été leur monté leur maison en «logs». Nous autres, on avait bâti en 1932, on avait coupé cent cordes de bois qui nous était donné du gouvernement, qu'on pouvait faire. C'était pas du bois «fire kill», mais c'était du bois «pleumé», on avait «pleumé» ça, et puis on transportait ça au bord du chemin, de la route.

La première année, on n'avait pas d'animaux. Quand on est monté là, on a monté une vache, des poules, deux canards. Puis on a pas pu avoir d'autres canards. On a fait couver la cane mais des petites bêtes sauvages sont venus manger les oeufs.

Quand on est arrivé, on restait au bord du lac. Le premier été, avant qu'on bâtisse, on restait au bord du lac dans une bâtisse en «log» qui avait été construite par Malcom Carrière. C'était un restaurant, et puis on louait des chambres.

M. le curé Brosseau aimait pas trop ça parce que c'était un peu scandaleux pour la place. Il a donc acheté ça et le premier été qu'on est arrivé on est demeuré là jusqu'au mois d'octobre.

On a coupé notre bois, nos cent cordes de bois «pleumé» et puis après ça on s'est bâti une maison à deux étages en «logs» équarries. C'était un pas pire maison pantoute. C'était grand.

La grandeur exactement, je ne me rappelle pas, mais c'était assez grand. On avait deux étages, la cuisine en bas et un équerre qui faisait comme un petit salon. En haut, c'était les chambres; il y avait trois chambres en haut. Cet été-là, on avait neuf enfants.

Le dimanche au soir, c'était le rendez-vous de toute la paroisse, de tous les jeunes de la paroisse quasiment. Ça dansait, ça chantait, ça faisait des jeux, ça actait des charades et on avait beaucoup de plaisir; le monde était tout satisfait.

En 1932, quand on est arrivé, dans la rang là, il n'y avait personne de bâti; personne encore n'avait pris ces lots-là.

Puis vers 1933, 1934, ça c'est tout bâti. À l'est, c'était bâti jusque l'autre bord du chemin chez Lévesque aujourd'hui. Il y en avait qui habitait l'autre bord du chemin chez Lévesque. Et puis à l'ouest, c'était bâti jusqu'au chalet chez M. West. Tout, tout était rempli.

Alors là, on décida de bâtir une école. Premièrement, on décida de bâtir un presbytère-chapelle, parce que la messe se disait dans la partie avant, là où on restait notre premier été. La messe se disait là.

Agnès: Ça veut dire dans la maison privée ça?

Jean-Marie: Ce n'était pas une maison privée, c'était comme un restaurant que Malcom Carrière avait bâti et puis il vendait de la boisson, puis il louait des chambres en haut. Toujours est-il que M. Charbonneau, qui était ouvrier, avait pris un lot dans la concession, sur le huit aussi, une partie de lot 20 ou du 19.

Et puis là, c'est avec lui qui était un bon ouvrier que l'on bâti le presbytère-chapelle. La messe avait lieu en bas et puis le curé restait en haut, la résidence du curé était en haut. Dans l'entrefaites, ça profitait toujours, alors on décidait...

Yvonne: C'est l'abbé Descheneaux hein, qui était le premier curé; l'abbé Descheneaux qui est resté le premier dans le presbytère.

Jean-Marie: Non! c'est Brosseau. On a décidé de bâtir une école. On bâtit une école, voisin du presbytère-chapelle. Où ça l'a été bâti, c'était un emplacement de deux acres carrés qui avait été donné par M. Aimé Bouchard.

Là, on a fait une école d'une classe, mais ça pas été long que la population grossissait. On a donc décidé de faire une rallonge, on a bâti une seconde classe à l'école.

Pour l'église là, après plusieurs années, le curé Brosseau avait acheté l'église que des émigrés avaient bâtie du côté de Jogues. Cette église était abandonnée. Tous les colons qui avaient bâti ça étaient partis ou presque.

On a transporté cette église-là. Dans ce temps-là, c'était M. Labelle qu'on avait comme curé. Dans l'intermède on avait eu M. Descheneaux.

Yvonne: Descheneaux est venu avant Labelle!

Commentaires d'Agnès À ce moment-ci, nous avons droit à une petite interlude.

Il s'agit de savoir si l'abbé Descheneaux a été curé au Lac Sainte-Thérèse avant le curé Labelle. Disons, avant de continuer l'entrevue, qu'effectivement M. Descheneaux précède M. Labelle dans la liste chronologique des curés à avoir exercé leur apostolat dans la paroisse du Lac Sainte-Thérèse.

Nous continuons notre récit avec le déménagement de l'église de Bradlo au Lac Sainte-Thérèse.

Jean-Marie: Puis c'est avec ce tracteur-là qu'on a déménagé l'église qui n'était pas loin de l'église de Jogues, dans le rang plus haut et qu'on l'a amené au Lac Sainte-Thérèse. On a fait un solage, puis on a monté l'église dessus et c'est encore l'église actuelle.

En 1941, j'ai acheté le magasin de M. Ulric Simard.

C'était une bâtisse en «logs», assez longue. Il y avait une maison privée dans un bout puis le magasin dans l'autre. Le magasin n'était pas grand.

Tous les lots étaient habités en ce temps-là. Et puis je me suis remarié en 1946. J'ai marié la veuve d'Edmond Larose et puis on demeurait dans le vieux magasin.

Un an après, dans l'été suivant, on a commencé à bâtir le magasin actuel. On a bâti un magasin passablement plus grand, une maison qui avait 37' par 33' en avant et 35' par 37' vis-à-vis la cuisine. On avait une grande cuisine.

Agnès: Ça c'est le magasin qui est encore debout au Lac?

Jean-Marie: Oui... J'ai acheté ça de M. Simard là, dans le vieux magasin en 1941. Les colons ont alors commencé a diminué. Ça s'en allait chacun leur tour. Les rangs ont commencé à se vider.

Yvonne: Mais il yen des camps qui se sont bâtis. Lévesque et puis...

Jean-Marie: Il y a Fontaine en 1943-1944 qui a bâti un moulin à scie dans la baie qui entrait sur le rang neuf.

Agnès: Vous avez dit tout à l'heure que les colons ont commencé à partir. De quoi vivaient-ils avant?

Yvonne: Du bois.

Jean-Marie: Du bois et du «relief».

Yvonne: C'était dans le temps de la crise. Hein, il y a eu la crise?

Jean-Marie: Les colons étaient venus là durant le temps de la crise. Puis c'était le «relief» qui les faisaient vivre.

Yvonne: Et le bois.

Agnès: C'est quoi au juste le «relief»?

Jean-Marie: Le secours direct.

Agnès: C'était le gouvernement qui les envoyait là-bas ou...

Jean-Marie: Oui! Oui! c'était le gouvernement. Il fallait le gagner ce «relief»-là.

Il les envoyait travailler jusque dans la concession suivante de celle du Lac Sainte-Thérèse. Et puis, il y avait une école anglaise qui avait été bâtie dans ce coin-là.

Ça s'est développé un peu avant le Lac. C'était des Irlandais et des Anglais qui avaient ouvert ça.

Il nous envoyait faire des fossés sur cette route-là, jusqu'au (rang) cinq, avant le cinq. Il fallait partir le matin quasiment à la noirceur. On s'en allait à travers bois; on avait une «trail» à travers la bois et on s'en allait travaillé là jusqu'à cinq heures le soir, tandis qu'on avait beaucoup d'ouvrage au Lac.

Yvonne: Hein, mon mari, une chose qu'on peut dire, on a eu de la misère, mais on a eu beaucoup de plaisir aussi; des joies, de grandes joies.

Jean-Marie: Quand on a prit notre lot en 1932, le chemin n'était pas fait. Ça avait été coupé l'hiver d'avant, puis c'était tout en souches.

Il n'y avait pas de fossés de fait, rien. Au lieu de nous faire travailler sur le (rang) huit et le neuf, pour faire des fossés, ils nous envoyaient travailler là-bas.

Après ça, ça s'est replacé; on a essouché notre chemin jusqu'à l'autre bout. Et puis on a fait des fossés, on a fait des «outlets» qu'ils appelaient, une qui allait au petit lac du (lot) 22, puis une autre plus à l'est qui allait au lac Moose qu'ils appelaient et qu'il appelle encore le lac Moose.

Agnès: Qui est-ce qui vous donnait ces emplois-là? Vous dites «ils» nous donnaient ça. C'était le gouvernement.

Jean-Marie: Le gouvernement, c'est le gouvernement qui faisait faire ça.

Agnès: Le gouvernement fédéral?

Jean-Marie: Non! non! provincial. Puis ceux qui nous envoyaient là, c'était des amis du gouvernement qui étaient nommés et qui étaient contremaîtres.

Agnès: Combien pouviez-vous gagner sur le «relief»?

Jean-Marie: Juste pour vivre.

Agnès: Ah!

Jean-Marie: Le montant, c'était pas gros. C'était juste pour vivre.

Agnès: C'était chaque famille qui s'en allait dans le nord de l'Ontario qui avait ça?

Jean-Marie: Il fallait qu'il fasse un certain temps. C'est quand ils ont eu coupé passablement de bois, quand la pénurie se faisait sentir.

Et puis les affaires dans les villes, Montréal et où les gens venaient en partie, les alentours de Montréal, les affaires avaient repris, la crise était finie. Ça s'en retournait dans leurs pays, dans leurs places.

Agnès: Pourquoi vous, êtes-vous partis de l'endroit d'où vous veniez?

Jean-Marie: Quand j'ai monté là, on était à Saint-Guillaume d'Upton. J'avais un moulin à scie et un moulin à farine là.

Et puis, j'ai eu la malchance que ma chape à eau et les chaussés soient brisées par l'eau. Alors j'ai vendu et on a décidé, il fallait beaucoup de colonisation dans le nord et les colons étaient bien.

C'est là que j'ai décidé de monter avec ma famille dans le nord. Il y en avait beaucoup. C'est dans les années que Jogues s'est ouvert.

Agnès: Votre premier mariage, vous vous êtes mariés à Saint-Guillaume?

Jean-Marie: Non! je me suis marié à Saint-Eustache. Ma première femme, elle s'appelait Luce Grignon. Je me suis marié en 1913, le 13 avril 1913. J'étais pas superstitieux.

Agnès: Non!

Jean-Marie: Ma première femme est morte deux ans après qu'on a été arrivé dans le nord. J'ai continué à tenir maison avec mes filles.

Là, dans le nord, comme je te le disais tout à l'heure, il y avait M. Descheneaux surtout là, il arrivait après la messe, il s'asseyait sur le perron de l'église et puis il demandait: «Où est-ce que t'es allé hier soir?» Il y a des soirs qu'on allait veillé chez vous, chez Mme veuve Cantin et puis d'autres soirs chez M. Desfossés.

M. Desfossés, ça c'est arrivé en même temps que nous autres. On a bâti M. Desfossés la même année que nous autres, mais avant nous autres. Ils étaient arrivés dans le printemps, en même temps que nous autres. Eux c'étaient retirés chez Aimé Bouchard.

Lui avait la partie du lot 23 ouest, puis nous autres on avait la partie du lot 23 est. Le gouvernement avait commencé a subdivisé les lots. Avant ça c'était tous des lots complets.

Quand on est arrivé en 1932, c'est rien que depuis 1930 que les lots complets ne se donnaient plus. C'était tous des demi-lots; ils séparaient les lots en deux.

Agnès: Quand le monde a commencé à partir du Lac, de quoi vivaient ceux qui restaient?

Jean-Marie: Qu'est-ce qui les faisait vivre?

Yvonne: C'était des bûcherons.

Jean-Marie: Ça allait bûcher en dehors.

Yvonne: Fontaine Lumber.

Jean-Marie: Vois-tu, la compagnie Fontaine qui a bâti un moulin dans la baie, ils ont tenu ça ce moulin-là jusqu'en...

Yvonne: Ça marchait encore quand on s'est marié toujours.

Jean-Marie: Ah oui! alentour de 1949, 1950, ils ont abandonné ce moulin-là. Les premières années, Fontaine avait ce qu'ils appelaient le «vent», puis le bois descendait par eau.

C'était sur une limite, ils coupaient le bois, ils le sciaient, puis, c'était des chalands, des barges qui amenaient le bois au Lac Sainte-Thérèse. Du Lac Sainte-Thérèse, il était transporté par des camions jusqu'à la cour à bois de Fontaine Lumber à Hearst.

Agnès: Quelle rivière le bois descendait -il?

Jean-Marie: Ah, quelle rivière? C'était la décharge du Lac Sainte-Thérèse. C'était par la décharge des lacs.

Yvonne: Ils amenaient ça par des chalands aussi.

Jean-Marie: Ben oui, c'est ce que j'ai dit, des barges. Puis après, en quelle année que Lévesque s'est installé?

Yvonne: Je le sais pas.

Jean-Marie: Lévesque a bâti un moulin à Ritchie. Ça c'était en... alentour de 1949, 1950, après...

Yvonne: Ah! plus tard que ça!

Jean-Marie: On est parti en 1961.

Yvonne: Ah c'est vrai! c'est vrai! Ils ont été quelques années au Lac.

Jean-Marie: Mmmm! Lévesque a bâti un moulin à Ritchie. Et puis il y avait des familles qui s'installaient là et il y avait des gens du Lac qui allaient travaillés là. C'est ça qui a aidé à vivre.

Agnès: Quelle était la population du Lac Sainte-Thérèse, la plus population qu'il y a eu?

Jean-Marie: Il y a eu jusqu'à 62 familles. Il y avait plusieurs familles qui n'avaient pas d'enfants.

Les familles qui avaient le plus d'enfants c'était chez vous, chez eux, chez Edmond Larose et puis il y avait les Brûlés qui avait quelques enfants. La famille Brûlé, ça c'était les deux frères qui étaient montés s'installer à l'ouest sur le (rang) huit. Il y avait d'autres enfants aussi. Il y avait Ubald Germain.

Yvonne: Il n'y en avait pas gros, mais quelques-uns.

Jean-Marie: Ubald Germain avait acheté un lot dans le (rang) huit, lot 17, non le 18. Après qu'on a été marié, on lui a vendu la terre à Edmond Larose à Ubald Germain. Ça c'est après qu'on a été marié.

C'est pas mal «épaillé», tu sais, ce qu'on dit là; il va y avoir de l'ouvrage pour faire un ramassis de ça.

Agnès: Ah, c'est pas grave. D'abord que vous parlez, ça fait.

Jean-Marie: Puis en 1961, nous autres on a vendu à celui qui est le propriétaire actuel.

Agnès: Pourquoi vous avez vendu? Vous étiez malades?

Jean-Marie: Parce qu'on était plus capable de le tenir. Ma femme était malade.

Yvonne: Eille! Eille!

Jean-Marie: On est arrivé ici (à Hull) au mois d'août et elle est entrée à l'hôpital au mois de janvier.

Elle a été un mois à l'hôpital. Elle s'est fait opérée, puis... Et puis les médecins de là-bas là, le meilleur c'était Samson même s'il buvait.

Yvonne: On va dire ça... Enregistre pas ça, voyons donc.

Jean-Marie: Non... Vendu, cause de santé.

Agnès: Les premiers médecins qui sont arrivés, c'est en quelle année?

Yvonne À Hearst?

Jean-Marie: Les premiers médecins?

Agnès: Oui.

Jean-Marie: Premièrement, au Lac Sainte-Thérèse, on a jamais eu de médecins.

Yvonne: Eille nous autres quand on est arrivé à Hearst, l'hôpital, c'était un petit hôpital en bois rond.

Jean-Marie: À Hearst ça!

Yvonne: Oui. Hearst avait passé au feu...

Jean-Marie: Tu nous a dit que Omer ce qu'il voulait avoir c'était le développement du Lac Sainte-Thérèse.

Agnès: Non, mais vous pouvez parlé des alentours aussi si vous voulez, la vie complète dans le nord, n'importe où.

Yvonne: Je me rappelle pas qui est-ce qui était médecin ah! quand, mon dieu! ça ça faisait déjà par exemple quelques années, je sais pas le premier médecin, mais moi quand j'ai eu mon premier enfant, c'était le docteur...

Jean-Marie: Quackenbush, non?

Yvonne: Non. Tu sais, ils l'appelaient le boucher. Il avait été à la guerre; quand il n'était pas gazé, il était (mot incompréhensible), quand il était gazé, il pouvait aussi bien faire une boucherie plutôt que rien.

Docteur, docteur, comment il s'appelait lui. Je ne me rappelle plus.

Jean-Marie: Ma femme, elle a été obligée de traverser, pour gagner l'hôpital, en «waguine» et puis les madriers sur la «waguine» flottaient.

Yvonne: L'eau montait dans ce temps-là, je te le dis.

Agnès: Les chemins étaient seulement en terre?

Jean-Marie: C'était, en bas de chez vous là...

Yvonne: En terre...

Jean-Marie: Au pont là, le pont était pas haut comme il est là. Puis c'est Mgr Lambert qui a fait charroyé, qui est venu à bout de gagner le gouvernement, pour charroyer de la gravelle pour hausser ce chemin-là. À partir... ça partait du lot de Denis et puis ça venait jusqu'au pont.

Mais j'ai fait le transport de la malle de 1941 à 1961. Sur tout ce temps-là, j'ai manqué de faire le transport de la malle, une journée, deux fois dans tout ce temps-là... par rapport à l'eau.

Depuis ce temps-là, le chemin a été élevé passablement. Même après la première fois que Mgr Lambert avait écrit au gouvernement pour faire transporter de la gravelle, pour faire charroyer de la gravelle là; il a été «ré-élevé» par deux fois, mais la dernière fois c'est après qu'on a été parti. Il n'y avait plus beaucoup de monde là.

Agnès: Non... Comment vous voyagiez pour aller chercher la malle? Vous alliez chercher ça à Hearst?

Jean-Marie: Oui. En voiture.

Agnès: En voiture, ça c'était des chevaux?

Jean-Marie: Hum?

Agnès: Avec des chevaux?

Jean-Marie: Il y a une chose que j'ai pas dite avant: en 1935, oui en 1935 ou en 1936, le département de la colonisation du Québec avait envoyé quatre ou cinq paires de boeufs dans le nord, qui ont été dispersés un peu partout. Et puis au Lac, sur une terre à monsieur... te rappelles-tu, l'autre bord là?

Yvonne: Blais, Joe Blais?

Jean-Marie: Non! non! non! c'était pas Joe Blais.

Yvonne: C'est pas lui qui avait les boeufs? qui venait faire les foins chez nous?

Jean-Marie: Non! non! non! Il était en deçà pas mal.

Yvonne: Ah! c'est Gauthier.

Jean-Marie: Gauthier, M. Gauthier. C'était un «contracteur» en construction qui avait fait faillite à Montréal et puis qui s'était en venu là.

Il y avait un de ses beaux-frères qui était voisin. Et puis, on lui avait donné une paire de boeufs. Ces boeufs-là...

Lui c'était un homme qui avait pas de patience pantoute, pantoute, pantoute. Puis il n'était pas capable de rien rien faire avec. Ça fait que je suis venu à bout de les avoir, c'est à dire qu'ils lui ont enlevé les boeufs et puis ils les avaient mis chez... chose sur le «highway»...

Yvonne: Il me semble qu'Arthur les a eu les boeufs luis aussi. Il est venu faire les foins chez nous avec ça.

Jean-Marie: Il y en a eu deux paires au Lac. Il y a eu en arrière de chez vous là... comment qu'il s'appelait-là, les noms là moi...

Yvonne: Ouellet, Ouellet.

Jean-Marie: Je ne sais pas trop si c'est pas Ouellet qui en avait eu une paire. En tous les cas, les boeufs qui avait été donné à Gauthier là, ils les ont enlevés à Gauthier puis ils les ont amené chez... c'était parent avec un prêtre-colonisateur... (note de l'éditeur: probablement le chanoine Zénon Alary)

Yvonne: Je ne me rappelle pas.

Jean-Marie: Ah oui! il reste là encore. Sa femme, c'était une grosse, elle jouait de l'orgue, elle touchait de l'orgue à Hallébourg.

Yvonne: Villeneuve!

Agnès: Villeneuve!

Jean-Marie: Hein!

Yvonne: Villeneuve.

Jean-Marie: Villeneuve.

Ils les ont gardés plusieurs mois. Et puis là, je suis venu à bout de les avoir. On dit ça, en plein hiver et puis on avait de gros hivers de neige dans ce temps-là.

Ils sont arrivés chez vous, chez Jean-Baptiste et puis on a été les chercher là. Et puis dans le chemin, à partir du magasin, pour s'en aller, pour se rendre sur le (lot) 23, chez vous-là, ben, les boeufs avaient de la neige à la hauteur du boeuf.

Agnès: Ah!

Jean-Marie: Ça nous avait pris toute la journée partir de chez vous, où vous êtes là, mais c'était pas cette maison-là, c'était Jean-Baptiste, puis la mère, et puis les amener chez nous sur le (lot) 23. Toute la journée!

Commentaire d'Agnès: Pour le bénéfice de nos lecteurs qui n'auraient pas la chance de connaître le village du Lac Sainte-Thérèse, disons qu'en temps normal, il s'agit d'une marche de moins de 10 minutes. Ce qui ajoute sensiblement à l'impact de cette anecdote.

Yvonne: Dans ce temps-là, Agnès-là, on avait de la neige jusque dans le mois de juin.

Agnès: Oui?

Yvonne: ... dans le nord, oui.

Agnès: La température n'était pas la même d'abord?

Yvonne: Non, non.

Jean -Marie - Les premières années qu'on est arrivé, ça gelait tous les mois de l'année.

Yvonne: Mmm.

Agnès: Oui?

Jean-Marie: Tous les mois de l'année, On a fait des jardins, moi sur le lot-là, pour faire lever nos jardinages, on en faisait pas grand, c'était pas long dans le temps, il avait à peu près 50' de long par 20' de large. Et puis là, ben, on avait fait une clôture alentour et on avait fait des travers à quelques places, je pense qu'on avait 3-4 ou 5-6 travers et puis j'avais fait une couverture; j'avais cousu des poches, des sacs de patates, je les avais ouverts et puis cousus ensemble, toute une grande toile qui couvrait tout ça: 50' par 20'.

Quand on voyait qu'il était pour geler, la toile était roulée à un bout, on la déroulait et on la mettait dessus. On la déroulait et on l'amenait pour l'appuyer, pour conserver nos jeunes plans. Il fallait faire ça au moins tous les mois. Tous les mois de l'année. On venait à bout de se sauver du jardinage avec ça. Autrement ça gelait tout.

Il y avait de la glace dans les «swamps», je sais pas comment de pieds d'épais, on pouvait pas trouver le fond.

L'hiver, pour se trouver de la nourriture, j'ai tué des orignaux, j'en ai tué plusieurs. J'ai tué ma part, ma grosse part. On débitait ça et on partait, on s'en allait dans la «swamp», puis on faisait des trous dans la glace.

On rejoignait pas la terre; la mousse était gelée et on enterrait notre viande là-dedans. On avait de la viande jusqu'à la fin de l'été.

Agnès: C'était chacun qui faisait ça, chaque famille?

Jean-Marie: Non, pas chaque famille, les autres familles avaient d'autres méthodes.

Yvonne: Nous autres, on en a enterré en masse toujours.

Jean-Marie: Nous autres, c'était notre méthode.

Jean-Marie: Il n'y avait pas de garde-chasse dans ce temps-là. Il y avait rien qu'un garde-chasse à Kapuskasing. Il venait l'été et il se promenait sur les lacs; il allait au Lac Sainte-Thérèse et les lacs plus haut, sur la chaîne de lacs.

Et puis des fois, il prenait son canot et son petit moteur et puis il allait sur d'autres lacs en dehors, en dehors des lacs du Lac Sainte-Thérèse.

On avait une «canneuse» et on cannait de la viande. On cannait toutes sortes de choses, du poisson, on cannait du poisson, câline! le printemps il y avait des petits «creeks» sur les lots 18 et 19 dans la concession 9 où ils poignaient la carpe à la main. Ils poignait ça à pleine brouette.

Yvonne: Aujourd'hui, ils n'en mangent plus.

Jean-Marie: Et puis on cannait ça. Je pense que la «canneuse», elle est pas chez vous la «canneuse»?

Agnès: Non, je ne pense pas.

Yvonne: C'est pas François qui l'a?

Jean-Marie: Oui! c'est François.

Yvonne: Non! elle est chez Georges, la «canneuse».

Jean-Marie: C'est comme ça qu'on arrivait à se nourrir convenablement.

Agnès: Comment ça fonctionnait la «canneuse»?

Jean-Marie: Ah, on achetait des «cans» de fer blanc. On achetait surtout des couverts, parce que on ramassait toutes nos «cans» de fer blanc, de cannage qu'on pouvait acheter. On pouvait canner différentes grandeurs, grosseurs de «cans», tu sais, à part des grosses de 48 onces.

On cannait du poisson, de l'orignal. On faisait du cannage. Comme dans ce temps-là, il y avait beaucoup de poissons, on allait à la pêche. On revenait avec des «brochetés» de poissons effrayantes.

Une fois, François et moi, un dimanche après-midi, on était revenu avec du poissons; on avait une perche de petit bouleau, tous nos poissons enfilés dedans, aussi longue que d'ici à toi. C'était rempli, plein, serrés les uns après les autres.

Agnès: Ah!

Jean-Marie: On faisait de belles pêches dans ce temps-là. Puis il y avait du lièvre. On mangeait ben du lièvre aussi.

Agnès: C'était seulement votre famille qui vivait de même ou la plupart chassait pour vivre?

Jean-Marie: La plupart, non. La chasse à l'orignal là...

Agnès: Oui?

Jean-Marie: De notre côté, du côté est de la concession, j'étais le seul, on était les seuls nous autres à faire de la chasse. Du côté ouest, il y en avait un qui faisait la chasse un petit peu mais pas beaucoup. On en donnait de la viande «itou», on gardait pas tout.

Un coup, moi je n'y étais pas cette fois-là, les gars partent pour aller à la chasse; ils avaient vu des pistes la veille. Ils partent avec des chiens et puis ils tuent trois «orignals» dans l'espace d'une demi-heure; la mère et deux jeunes du printemps.

Nous autres, la chasse, je partais avec... il y avait Wilfrid Gascon qui était mon associé. Puis il y avait le père Landry qui venait dans nos excursions de chasse. Et puis Wilfrid Gascon, je l'ai nommé Wilfrid, il y avait François Cantin qui est venu quelques fois.

Ça c'était la chasse en hiver. On avait pas peur des gardes-chasses, il n'y en avait pas. Les chemins étaient pas ouverts, il n'y avait pas de chemins entre Hearst et Kapuskasing, c'était rien qu'un chemin pour les chevaux.

On pouvait chasser dans les temps défendus. Si ça avait été de chasser pour tuer comme il y avait des Finlandais qui faisait... Il y avait des Finlandais-là, qui tuaient un orignal, prenaient les fesses, puis le reste, restait tout là.

Il y avait un Finlandais qui était de l'autre bord du lac, à la place où était Forcier. Il avait un grand poulailler. Je ne sais pas comment il avait de poules, mais il en avait un lot. Il arrivait, puis il allait à la chasse, il tuait, il rapportait les fesses et les accrochait dans son poulailler pour les faire manger par ses poules.

Agnès: Il y en a pour qui c'était du gaspille plus que d'autres choses?

Jean-Marie: Hein?

Agnès: Il tuait juste pour le plaisir?

Jean-Marie: Les Finlandais?

Agnès: Oui.

Jean-Marie: En bonne partie. Ils apportaient les deux bons morceaux, les deux fesses et le reste restait là.

Agnès: Avec quoi vous chassiez?

Jean-Marie: Avec une carabine.

Agnès: Un fusil, oui?

Jean-Marie: Avec une carabine.

Agnès: C'était quelle sorte, des .12?

Jean-Marie: Hein?

Agnès: C'était quelle sorte de carabine?

Jean-Marie: Ah non! c'était des .303. Moi, j'avais une carabine; j'en avais pas à moi-même. Quand j'allais à la chasse, j'empruntais une carabine à Paul Després, tu as entendu parler de Paul Després.

Agnès: Oui.

Jean-Marie: Bon ben, Paul Després restait dans notre rang; il restait sur le (lot) 22, 29... il aurait été sur le (lot) 18, une partie du 18 ou une partie du 20.

Il me prêtait sa carabine. C'était une .303. Au fusil-là, au .12, ça pouvait pas tuer.

Les Finlandais, eux autres, étaient bien habiles sur les skis et ils poursuivaient un orignal qu'ils tuaient avec une .22. Mais il fallait qu'ils soient habiles sur les skis.

Agnès: Vous avez jamais manqué de rien?

Jean-Marie: Non.

Agnès: Est-ce qu'il y avait des pauvres, assez pauvres qu'ils ne mangeaient pas des journées?

Jean-Marie: Ah, il y avait assez de lièvres. Il n'y en avait pas pour dire (qui ne mangeait pas à tous les jours).

Il y en a un qui est arrivé... Il y avait le père Édouard Brûlé. Il avait plusieurs enfants et puis il avait une vache. Il avait été malade un peu à l'automne; il n'avait pas travaillé de l'hiver et puis il était rendu au bout de la corde.

Toujours qu'il s'en vient chez nous, il dit: «M. Gratton», il avait un compte chez nous déjà, il dit «chu pu capabe vous payez», il dit: «achèteriez-vous ma vache». Il dit: «j'ai été l'offrir à Aimé Bouchard. Y m'a faite un prix, ça n'a pas de bon sens», il dit: «ni plus ni moins que lui donner».

J'ai commencé à le questionner, puis tout, sa famille, puis comment il vivait, puis comment est-ce qu'il était. Je lui dit: « si je t'avance encore, tu vas travaillé ce printemps, cet été». Il dit: «oui, chu capabe».

Je lui dit: «Quand est-ce que tu pourrais me payer». Il dit: «au mois de septembre».

Il y avait du genre de bûchage. Je lui dit: «garde ta vache, t'as une famille, t'as besoin de lait pour ta famille». Je lui dit: «garde-la, pis je va t'avancer encore jusque là, le principal. Pis au mois de septembre, ben, on verra.

Ah le câline, un homme qui était fier, c'était lui.

Agnès: Vous faisiez crédit à tout le monde qui restait au Lac?

Jean-Marie: Ben proche. Comme c'est le cas, j'ai laissé au-delà de cinq milles piastres de crédit au Lac Sainte-Thérèse, moi-là. J'aimais rendre service quand je pouvais.

Agnès: Oui... Étiez-vous considérez comme un des plus riches dans ce temps-là?

Jean-Marie: Ah, pas des plus riches.

Agnès: Non?

Jean-Marie: Non.

Agnès: Qui vivait bien?

Yvonne: On était loin de l'être. On peut pas dire qu'on était riche certain.

Jean-Marie: La chose qu'il y a, j'ai été reconnu pour les bons conseils que je donnais.

Si quelqu'un était mal pris, il s'en venait me voir, ils m'appelaient le père Gratton, il s'en venait voir le père Gratton. Puis là, j'essayais de leur donner, par la connaissance que j'avais, le peu de connaissances que j'avais, ben, j'essayais de leur donner les meilleurs conseils pour lui, pour éviter le pire. Le pire là, pas manger trois fois par jour.

Il y avait assez de lièvres, il y en avait du lièvres, comprends-tu ça, qu'une personne, hormis qu'elle aurait été ben dédaigneuse, pouvait manger trois repas par jour. Puis pour nous remercier, quand ils ont été en état de vivre bien, ils partaient et ils allaient acheter leurs produits à Hearst. On a eu un maître d'école là, il aurait voulu tout conduire et il a tout fait pour me faire du tort.

Agnès: C'était quoi son nom?

Yvonne: Mmm, c'est difficile à marquer un nom.

Agnès: C'est trop difficile?

Jean-Marie: Il vit encore, mais dans le bout de Cochrane aujourd'hui.

Yvonne: Il est parti en même temps que nous autres.

Jean-Marie: Il transportait des gens...

Yvonne: C'est une des causes que ton grand-père a vendu le magasin.

Jean-Marie: Ouais.

Yvonne: Pas rien que pour l'amour de moi certain!

Agnès: En quelle année vous avez eu votre première auto?

Jean-Marie: La première auto , je l'ai eu quand j'ai tenu magasin en 1941, un vieux Studebaker, un gros Studebaker carré-là, pas de coffre en arrière, c'était une espèce de tablette en arrière, en fer-là. Je l'ai eu, je l'ai gardé, je pense, quasiment trois ans, deux ans toujours certain. Et puis j'ai eu, comment ça s'appelait. C'était un char avec une boîte en arrière, une valise qu'il appelle ça.

Agnès: Un «panel»?

Jean-Marie: Non, non. Ça ça été le deuxième char que j'ai eu. Dans ce temps-là, au vieux magasin, j'avais un petit «back store» et puis je faisais monter des charges de moulées, de grains et toutes sortes de choses pour les poules.

Le monde commençait à avoir des poules, des vaches. Je faisais monter ça par «truck». Le magasin de gros m'envoyait ça; je donnais ma commande: des 80 poches.

Yvonne: Une année hein, le gouvernement nous avait donné des poulets. Te rappelles-tu?

Jean-Marie: Oui, oui.

Yvonne: Étiez-vous là vous autres?

Jean-Marie: Ben oui. On en a eu. On a eu de ces poulets-là. C'est le poulailler qu'on avait sur notre ferme-là, sur le (lot) 23. C'est là qu'on l'avait bâti.

Yvonne: Bon, bon, bon. T'as parlé beaucoup, hein son père. T'as parlé beaucoup, hein?

Jean-Marie: Parler de tout?

Yvonne: J'ai dit t'as parlé beaucoup.

Jean-Marie: Ah! Il y en aurait encore à conter.

Yvonne: Ah, moi «itou». Je me rappelle plein d'affaires. Mais je commencerai pas certain.

Agnès: Voulez-vous arrêtez pour aujourd'hui?

Yvonne: Oui, c'est aussi bien.

Commentaires d'Agnès: L'entrevue reprend quelques jours plus tard. Les personnages sont les mêmes et la conversation est déjà en cours lorsque l'enregistreuse est mise en marche.

Agnès: Puis les soirées dans ce temps-là?

Yvonne: Dans notre temps à nous autres-là?

Agnès: Ouais.

Yvonne: Ben nous autres on faisait des soirées de danse, on dansait.

Agnès: Y en avait-il souvent?

Yvonne: Quand papa vivait, on avait des soirées chez nous. Toujours bien dans le temps des fêtes, à la fête à papa, à la fête à ma mère; on fêtait ça dans ce temps-là. Et puis quand on avait de la visite qui venait, des fois on avait de la visite qui montait de Sainte-Adèle, de ce coin-là et on faisait des danses.

Jean-Marie: Mais en général, nous autres, les veillées, quasiment tous les dimanches soir, ça s'assemblaient chez nous. C'est nous autres qui avait à peu près la plus grande maison, hein. Il y avait M. Descheneaux, le curé, il aimait beaucoup ça. Après la messe, il s'en venait sur le perron de l'église, là, ça se savait.

Il y avait certains soirs, ça veillait chez mémère Cantin; mais en général, c'était chez nous que ça se ramassait le dimanche soir. Il y avait la famille des Cantin; il y avait plusieurs des jeunes de l'autre bord du lac; il y avait les Brûlé.

Yvonne: Demandes pas ça à moi; on y allait pas nous autres. On était pas invité nous autres dans vos veillées.

Jean-Marie: Bon, ben en tous cas, il y avait d'autres jeunes qui restaient l'autre bord du lac. Dansereault, il y avait des Dansereault aussi.

En tous cas, ça s'assemblait, la maison s'emplissait chez nous et puis quand c'était chez mémère Cantin, c'était pareil. Tous ces jeunes-là, ça venait là. Il y avait les jeunes Desfossés. Ça s'amusait. On faisait des... ça chantait et puis à part de ça ben on actait des charades. Il y avait ta tante Marie, elle était bonne là-dedans. Ta tante Marie puis moi-là c'était (passage incompréhensible).

On avait bien du vieux linge chez nous. Ça se costumait pour acter des charades, pour faire deviner aux gens qu'est-ce que c'est qu'on actait.

Chez nous, il y avait la grande cuisine. On ramassait toutes les chaises et puis ça donnait une équerre avec les portes de salon. On amenait toutes les chaises dans la cuisine, ça s'assissait là et ça nous écoutait acter nos charades. On a eu ben du plaisir à ça, ben du plaisir.

Agnès: Faisiez-vous d'autres sortes de jeu?

Jean-Marie: Euh, chez nous y s'en faisait pas beaucoup. Mais ça arrivait, ça arrivait de temps à autre. Il y avait certaines veillées là, on allait à l'autre bout du rang chez Charbonneau, Denis Charbonneau, et puis là chez Denis Charbonneau, quand on allait veiller là, il se faisait passablement de jeux.

À part de ça, c'était du chant et puis acter des charades. Il se faisait un jeu de temps à autre.

Agnès: Le monde jouais-tu beaucoup de tours aussi?

Jean-Marie: Pas absolument.

Agnès: Pas juste dans ces veillées-là, mais...

Jean-Marie: Il s'en est joué. Il y avait M. Simard au magasin, ils y ont été, les jeunes-là, ils y en ont joués. Ils y ont joué plusieurs tours.

Une fois, ils avaient ramassé un vieux «boggie» là, et puis ils promenaient ça sur le perron du magasin. Ce qu'ils ont été faire assez souvent, c'était des «tic-tac». Tu connais ça?

Agnès: Oui.

Jean-Marie: Ça chez M. Simard ils ont été en faire plusieurs fois. Le bonhomme se choquait, il ouvrait son châssis, puis: m'a tiré su vous autres», et puis tout. Je te dis qu'il se choquait le bonhomme.

Agnès: Au magasin, est-ce qu'il y en a qui vous jouait des tours?

Jean-Marie: Nous autres, il ne sont jamais venus nous en jouer au magasin. C'est rien que dans le temps que Simard tenait ça. Ils allaient en jouer au père Simard. Ah! c'est arrivé peut-être chez nous une couple de fois, qu'ils sont venus accrocher des «tic-tac»; on en faisait pas de cas.

Agnès: Ouais... L'autre fois vous avez parlé quand vous avez déménagé l'église. Comment ça c'est passé?

Jean-Marie: Comment ça s'est passé. Ça c'est dans le temps du curé... Aide-moi donc.

Yvonne: Du curé Brosseau?

Jean-Marie: Non! non!

Yvonne: Labelle?

Jean-Marie: Du curé Labelle. Le curé Labelle avait un tracteur. Il avait acheté un tracteur pour faire de la terre pour les colons. Il en a fait un petit peu mais pas une affaire effrayante. Et puis, il avait acheté l'église là-bas.

C'était des Slovaques qui avaient bâti cette église-là, le rang avant d'arriver à Jogues. Et puis, cette église-là était abandonnée; les Slovaques étaient tous partis, il en restait seulement une couple. Toujours qu'on a déménagé l'église avec le tracteur de M. Labelle. On a été cherché ça à Jogues.

Yvonne: Moins loin, avant Jogues.

Jean-Marie: On a amené ça par le chemin un bout. Après ça, on pouvait pas traverser la ville; on a gagné à l'est pour traverser le chemin (la route 11) et traverser la rivière. Je te jure dans ces concessions-là, à l'est de Hearst, ça a prit deux jours.

Agnès: Combien vous étiez qui déménageait cette église-là?

Jean-Marie: Ah, on était une quinzaine. Les gens du Lac, les jeunes surtout; les jeunes chez ta grand-mère, les jeunes chez M. Desfossés.

Yvonne: Les gars chez nous sont allés aussi. On a des portraits posés de Paulo pis Ti-noun.

Jean-Marie: Toujours que ç'avait prit deux jours. La première journée, ils avaient poussé l'église au ras la ville. Après ça ben, c'était sur le bord du chemin du Lac qu'ils l'avaient laissée, je sais pas trop si c'est pas sur la terre au coin-là, la terre à Veilleux. Puis là, ils l'avaient amenée, on l'a amenée à sa place, à peu près, et puis là on l'a montée sur des blocs, puis on a fait le solage.

Agnès: C'est la même église qui est encore debout aujourd'hui ça?

Jean-Marie: La même église. Et puis après ça, il s'est fait des réparations à cette église-là.

Il n'y avait pas de jubé. Ils ont fait un jubé. Ton oncle Baptiste a travaillé après ça. Il y avait aussi le père, euh, qui restait à l'ouest là, quasiment la dernière terre avant d'arriver au chalet de West. Monsieur... la femme à Jean-Baptiste, qui elle était?

Yvonne: Bourgeois.

Jean-Marie: Bourgeois! M. Bourgeois. Toujours qu'ils avaient travaillés en dedans.

Ils avaient monté le jubé et fait un escalier chaque bord. M. Bourgeois, lui, c'était pas un homme pressé. Il disait: «Lots of time in Canada! lots of time in Canada! Allez pas si vite! Prenez votre temps!» Premièrement ça se faisait gratuitement.

C'était des corvées qui se faisaient. Et puis on a fait une rallonge en arrière, où est la nef et le choeur. Où est le choeur aujourd'hui, l'église finissait là.

Ils l'ont allongée pour faire la place pour l'autel, le choeur; dans ce temps-là, il y avait des enfants qui allaient se mettre au choeur; et puis de la place en arrière pour la sacristie. Ça prit quasiment un an avant que tout ça se fasse. Le solage a été fait après que l'église ait été montée, «jouquée» sur des blocs.

Après ça, ils ont descendu, avec des «jacks», ils ont descendu la charpente de l'église là-dessus. La rallonge à l'arrière c'est fait après ça. Après que l'église ait été placée à sa place, c'est là qu'ils ont fait le choeur et la sacristie.

Si tu as remarqué, la couverture est plus basse en arrière. Je ne sais pas si tu as remarqué ça, mais la rallonge avait une couverture plus basse. Ce n'était pas de la même hauteur que l'église.

Toute cette partie là, qui est plus basse, a été faite après.

Agnès: La dernière fois vous avez parlé d'une histoire de poulet donnés par le gouvernement. C'est quoi ça.

Jean-Marie: De poulets?

Agnès: Oui.

Jean-Marie: Oui. Ça c'était avant que l'église soit devenue notre l'église. Le gouvernement avait donné, je ne me rappelle pas combien...

Yvonne: C'était cent, cent par famille.

Jean-Marie: Hein? Cent? Oui, cent poulets.

Yvonne: Il y avait des conditions. Il fallait avoir un petit poulailler.

Jean-Marie: Il y avait chez eux, Edmond, qui en avait fait un. C'était Jean-Baptiste qui tenait maison, avec la mère, chez vous. Jean-Baptiste en avait fait un.

Chez le père Desfossés, je ne me rappelle pas s'ils en avaient fait un. Il me semble qu'ils en avaient eu cent eux autres aussi et qu'ils avaient fait un petit poulailler.

Agnès: Quel gouvernement qui donnait ça?

Jean-Marie: C'est le gouvernement provincial.

Agnès: Ça, vous étiez toujours arrangés avec le Québec?

Jean-Marie: Hum?

Agnès: C'était le gouvernement du Québec?

Yvonne et Jean-Marie - (ensemble) Non! Non! Non! Non!

Agnès: L'Ontario?

Jean-Marie: On avait rien à faire avec le Québec. C'était le gouvernement de l'Ontario qui avait donné ça. Il y avait certaines conditions à remplir.

Premièrement, il fallait faire un poulailler convenable. Toujours que tout ça, ça c'est perdu. On a élevé un peu mais pas une affaire effrayante.

Agnès: Le gouvernement donnait du bois aussi?

Yvonne: Des permis; des permis.

Jean-Marie: Des permis, des permis de coupe. On avait droit à cent cordes par année. Pas plus que ça. On trichait un peu: des fois on avait 105-110 cordes, ça passait.

Il y en avait d'autres qui n'avaient pas rempli tout à fait rempli tout à fait leur contrat. Alors ça passait de même.

Agnès: Il fallait que vous faisiez votre cent cordes?

Yvonne: Ça prenait un permis pour ça.

Jean-Marie: Il nous donnait un permis pour cent cordes de pulpe. Après ça, nous autres, sur notre lot, on avait une petite grange, une petite écurie en «logs» et on a décidé de se bâtir une grange et faire une étable là-dedans.

Ça c'est Ernest Therrien qui était venu bâtir ça. C'était mon cousin germain. On avait préparé notre bois d'avance. Il fallait tout équarrir ça. Et puis on a bâti la grange.

Plus tard, on a élevé des cochons, 2-3 ans de file. Une année, on avait une truie qui avait eu une douzaine de petits cochons qu'on avait engraissé pour vendre à l'automne.

Yvonne: L'argent roulait pas dans ce temps-là comme aujourd'hui.

Jean-Marie: Ah non!

Agnès: Le monde est-ce qu'ils payaient plus par espèce, par échange ou par argent?

Jean-Marie: Ah non! il n'était pas question d'argent.

Agnès: Non?

Jean-Marie: Non. Chaque colon bûchait ses cent cordes de bois, ça c'était pour eux autres; c'était le seul argent qu'on recevait ça.

Il y a le travail sur les chemins. Ça c'était le secours direct. Au Lac, nous autres, ils nous ont envoyé travaillé, je ne sais pas trop pourquoi je l'ai pas dit l'autre fois, jusque dans les concessions, les routes de l'école anglaise qu'ils appelaient, qui avait été construite avant qu'on arrive au Lac, nous autres.

La route à l'est de la route du Lac Sainte-Thérèse. Ils nous envoyaient faire des fossés dans ce coin-là, pour payer notre «relief».

Yvonne: Mais quand les chemins se sont travaillés pour aller jusqu'au Lac, qu'ils ont fait les chemins, ça c'était payé par le gouvernement.

Jean-Marie: Ça oui, mais c'était avant qu'on arrive ça. Quand on est arrivé au Lac, nous autres, le chemin se rendait au Lac.

Yvonne: Je me rappelle quand ils ont fait le chemin pour aller au Lac. Le gouvernement payait certain.

Jean-Marie: Ah oui!

Agnès: Qui qui a défriché le chemin du Lac?

Jean-Marie: Mmm?

Agnès: Qui a défriché le chemin du Lac?

Jean-Marie: Ah! Ça c'est en partie eux autres (les Larose), Denis.

Yvonne: Oui, ils ont travaillé là-dedans. Puis après ça Richard Ouellet: la gravelle sur le chemin, tu sais.

Agnès: Le gouvernement vous payait pour faire ça?

Yvonne: Oui! oui c'était payé par le gouvernement. Ça c'était à peu près les meilleures années du Lac, quand on est arrivé nous autres.

Le bois, le «fire kill» qu'ils appelaient, puis après ça, à travailler sur les chemins comme ça, c'était assez payant. Plus ils faisaient de voyages, plus ça faisait d'argent.

Agnès: Ça c'était la famille Larose?

Yvonne: Oui. Oui, Larose. Bouchard, les Bouchard ont travaillé là-dedans. Denis.

Jean-Marie: Étienne Denis. Mais ça allait pas beaucoup plus bas que ça. Comme chez vous, les Cantin, ils ont travaillé sur les chemins passablement.

Yvonne: Oui, mais pas dans ce temps-là. Parce qu'ils n'étaient pas arrivés eux autres.

Jean-Marie: Non, non, non. Mais après ça.

Yvonne: Oui après ça, oui.

Jean-Marie: Sur le chemin du Lac, eux autres, les Cantin, ont pas eu connaissance de ça. Le chemin du Lac, quand ils sont arrivés, se rendait au Lac.

Yvonne: Ouais! Il y a les Cloutier qui venaient travaillés; il y avait les autres qui étaient sur les terres dans les autres concessions, ça venait travailler, l'été, charroyer de la gravelle.

Jean-Marie: Ah oui. Premièrement, nous autres, les premières années, on avait pas de chevaux.

Après ça on a eu nos chevaux, on allait travailler dans les concessions, charroyer de la gravelle dans les concessions où le chemin passait. Parce que des «teams» de chevaux, il n'y en avait pas beaucoup. Il y avait chez Edmond Larose qui en avait; il y avait chez Aimé Bouchard qui en avait. Et puis nous autres on en a eu.

Les autres qui venaient avec des «teams» de chevaux, venaient de plus bas dans Casgrain. Ils venaient charroyer aussi. L'essouchage des concessions, ça ça c'est fait par les colons; de notre côté nous autres, c'est là qu'il y en avait le plus, qu'il y avait le plus de bois qui avait été coupé dans le chemin. Faire des fossés, puis arracher les souches, ça c'était une vraie corvée.

On a fait ce qu'on appelait des «outlets». Des «outlets» c'était, il y avait un petit lac sur le (lot) 22, au nord du (rang) 9, qui était sur le (rang) 9.

On a fait une «outlet» sur le lot 22 et après ça on en avait fait une pour aller à un autre lac qui était plus haut; elle... ce lac-là était sur le (rang) 10, le «Moose Lake» qu'elles appelaient, le lac à l'orignal. Les termes, c'était tous des termes anglais: le «Moose Lake».

On a fait une autre «outlet»; c'était sur le lots, le lot 18, je pense. Si je ne me trompe pas.

Agnès: Ça veut dire quoi au juste «outlet»?

Jean-Marie: Hum?

Agnès: Ça veut dire quoi le mot «outlet»?

Jean-Marie: «Outlet»? faire une décharge; des fossés pour égoutter les fossés du chemin, pour envoyer ça dans les parties basses, vers les lacs. C'était des chemins qui se faisaient à travers le bois. Des fossés qui se faisaient à travers le bois.

Quand on est arrivé nous autres, on passait par chez M. Lambert; et puis il y avait une route, un ancien chemin plutôt, puis on allait sourde, on allait sortir dans la concession en arrière du magasin, plus loin, dans la bassière du cimetière.

Dans le cimetière actuel, il y avait un chemin dans ce temps-là. C'était pas ce cimetière-là, il y avait un chemin qui passait à travers le bois encore, qui allait sortir chez M. Desfossés pour se rendre à notre lot qui était voisin. Après ça, tout ce chemin s'est essouché, tout à force de bras.

Agnès: Pour l'éducation, est-ce que les filles avaient autant le droit d'aller à l'école que les garçons?

Jean-Marie: Hum?

Agnès: Les filles est-ce qu'elles avaient autant le droit que les gars de s'instruire?

Jean-Marie: Ah oui! Ça, c'était mélangé. Les filles et les garçons allaient à la même école et suivaient les mêmes classe.

Agnès: Est-ce qu'il fallait que vous payiez pour envoyer les enfants à l'école?

Yvonne: On payait les taxes.

Agnès: Juste les taxes?

Yvonne: Hum, hum. Dans ce temps-là, pour ceux qui sont allés en-dehors, en dernier, mais dans mon temps, moi, il était pas question trop, trop d'envoyer les enfants...

Moi j'ai lâché l'école à douze ans, quand papa est monté au Lac Sainte-Thérèse. Il n'y avait pas d'école là, ça fait que, il n'était pas question de payer pour...

Jean-Marie: L'école là, il s'était bâti une école, bâti par les colons, par corvée, et puis il y avait seulement qu'une classe. Puis c'est venu qu'il y avait une soixante familles au Lac Sainte-Thérèse. Puis là, on a été obligé d'allonger l'école. On a fait une rallonge d'une autre classe.

Yvonne: La première place qu'ils ont été à l'école, c'était dans le restaurant au bord du Lac.

Jean-Marie: Oui.

Yvonne: Ça c'est avant que vous arriviez, je pense, hein?

Jean-Marie: Non, non. Ça a commencé avec Mme Garant. C'est-tu ça, Garant? Gallant? Garant? (Note: en fait, la première institutrice au Lac Sainte-Thérèse serait une Mme Vaillant). La première année qu'il y a eu de l'école au Lac, l'école s'est fait dans une bâtisse qui avait été bâti...

Yvonne: Mais c'est avant que vous arriviez, ça, vous autres?

Jean-Marie: Que la bâtisse s'est bâti? Quand l'école a eu lieu, quand les premières classes-là, on était là.

Yvonne: L'école a-tu commencé après que vous avez été partis? Vous avez restés dans ce restaurant-là.

Jean-Marie: Oui, après ça. On est parti de là et après qu'on a été rendu sur notre lot, ben là, l'année suivante, il s'est fait une année d'école là. Puis là, l'école s'est bâti, puis on a transféré dans l'école neuve.

Comme la première église, ça été bâti par Denis Charbonneau qui conduisait les travaux. Ils appelaient ça le presbytère-chapelle.

On avait la messe en bas et puis le curé restait en haut. Ça, ça été les premières messes, dire à proprement parler, tu sais, paroissiales, c'est dans cette chose-là. Le presbytère existe encore, ça c'est... chose qui reste dedans...

Agnès: M. Gingras.

Jean-Marie: Gingras. Ça, ça été bâti par corvée, la première église-chapelle ou la première chapelle-église qu'il y a eu.

Agnès: Le travail des paroisses ça se faisait tout par corvées?

Jean-Marie: Tout, en parti. Il n'y avait pas d'argent; il n'y avait pas d'argent. Puis c'est Denis Charbonneau qui conduisait les travaux.

Commentaire d'Agnès: À ce moment donné, pépère et mémère ont reçu de la visite et l'entrevue a dû être interrompue. Elle n'a pas été reprise par la suite.

Conclusion

Encore un remerciement à Agnès pour avoir réussi cette entrevue, et en laisser le contenu à Omer, qui nous en a donné une copie.


Tout droits réservés / All rights reserved,

claude@ccantin.ca, https://ccantin.ca.