La précédente page se terminait mentionnant qu'Alphonsine était veuve, avait cinquante ans, vivait aisément (elle avait l'électricité, l'eau courante, la ferme était payée, ect.), mais qu'elle allait déménager dans une nouvelle contréé, où tout les conforts dont elle jouissait n'étaient pas encore disponible.
Avant de parler du déménagement en Ontario, je me dois de mentionner l'endroit où mes ancêtres vivaient avant le déménagement. Ils demeuraient à Sainte-Catherine de Portneuf. Aujourdh'hui, cette endroit se nomme Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Cette ville est "situé dans la municipalité régionale de comté de La Jacques-Cartier, dans la région administrative de la Capitale-Nationale, au Québec (Canada)" (wikipedia). La page wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier décrit l'histoire de cette ville. J'ai aussi incorporé une carte, que j'ai importé de wikipédia. La carte nous donne un aperçu géographique de cette municipalité. Je me dois aussi de mentionner que, lorsque mes grand-parents y demeuraient, Portneuf était un comté. D'où le nom Sainte-Catherine (pour la paroisse) et Portneuf (pour le comté). Avant la formation des comtés, le régime seigneurial était de mise. Ceci est important de mentionner puisque, dans certains documents qui sont disponible dans ce site web, la Seigneurie de Fossambault est mentionnée. C'est la Seigneurie qui existait dans la région depuis 1694; cette Seigneurie devin le comté de Hampshire, puis, en 1855, le comté de Portneuf. Avec les années, le territoire fut divisé (détails sur la page wikipedia de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier), jusqu'à la création de la municipalité de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier en 1982. L'important ici est de savoir que les Cantin, avant leur déménagement en Ontario, habitaient dans ce qui était jadis la Seigneurie de Fossambault.
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En 1930, Alphonsine a 48 ans. Sa famille est complète. Elle a eut 13 enfants.
Je partage ici une photo des garçons, circa 1928. Dommange que ce n'est pas toute la famille... Voici aussi un compte rendu de ses enfants (avec les filles cette fois-ci!), en fin d'année 1930:
(une liste un peu plus détaillée, incluant les conjoints, sera publiée plus loin sur ce site) Alphonsine a perdu deux enfants en bas âge (Toussaint, à 1 an 5 mois; Marie-Anna à 3 ans 3 mois). Elle a perdue son mari alors qu'elle était enceinte. Pourtant, une autre tragédie frapperait bientôt la famille. La famille vivait bien. Elle était sur la terre paternelle. Avant le décès d'Ernest, le beau-père demeurait avec Ernest, Alphonsine et leur famille (peu après le décès, le beau-père est déménagé chez un autre de ses garçons). Les enfants ont donc grandit avec leur grand-père à un bras (voir une page précédent, alors que le beau-père se fait arracher le bras dans une moissonneuse-batteuse). L'école du rang était tout près, en face de la maison; de la première à la sixième année. Le village était à deux milles. La sortie familiale se faisait le dimanche, pour aller à la messe, au village. La famille était très religieuse. Prière en famille chaque matin; chapelet le soir. La religion jouait un rôle très important dans cette famille.
Suivant le décès d'Ernest...Après le décès de son mari, le beau-père d'Alphonsine n'est pas demeuré longtemps à la résidence paternelle; il déménage; chez un autre de ses garçons (Lucien explique le pourquoi dans quelques paragraphes; Pierre le mentionne aussi dans son autobiographie, quand il parle de son grand-père).Alphonsine était donc seule à gérer la ferme, avec ses garçons. La ferme n'avait pas de dette; c'était difficile, mais ils vivaient quand même bien. Ils avaient une érablière de 1,500 à 2,000 arbres. Les deux plus vieux ont appris un métier: l'un (Lauréat) est devenue mécanicien et électricien, alors que l'autre (Lucien), briqueleur. Le troisième plus vieux (Jean Baptiste) travaillait sur la ferme, et le quatrième (Thomas) est entré chez les Frères des Ecoles Chrétiennes à Ste-Foy, où, après avoir terminé ses études, il y a enseigné pour plusieurs années. La fille ainée (Marie) allait souvent travailler dans les maisons privées. Lucien, dans la première partie de son entrevue de 1983 avec sa fille Marie, nous raconte en détail comment vivait la famille. Il parle de son grand-père comme un homme exigent (surtout après la mort de son père), une des raisons pour laquel il avait déménagé avec un autre de ses fils. Il nous apprend que le famille avait le seul téléphone du rang. Ils ne payaient pas pour le téléphone (il appartenait au curé!), mais ce téléphone devait être disponible aux autres propriétaires du rang... Il nous parle du curé, qui avait pris en charge la paroisse, lui qui était, dans les mots de Lucien, le curé Jolicoeur... c'était un curé exceptionel. Une curé qui avait bien rendu service dans la paroisse... comme docteur, avocat, notaire... un homme extra-ordinaire autoritaire quelque chose d'épouvantable!. J'image que la famille était du "bon côté" de ce curé!!! Il nous dit aussi que son grand-père Joseph était agent pour vendre des centrifuges pour écreumer le lait, et que son père était agent pour vendre des machines aratoires. Il nous parle du moment que l'électricité est venu chez eux, comment ils s'en servaient. Il nous parle aussi de la période suivant la mort de leur père (Ernest). Comment les voisins, surtout un en particulier, ont aidés la famille. Comment Lauréat a travaillé pour un contracteur local, un M. Arthur Drolet (parenté avec Alphonsine??? si oui, il ne l'a pas mentionné), celui qui avait acheté un dynamo pour faire l'électricité; Lucien travaillait aussi pour lui à l'occasion. Il parle de faire du charbon l'hiver, suivit des sucres le printemps, les semances, les travaux à la ferme. Voici le transcription de la première partie de cette entrevue (première, de quatre). Elle couvre la vie à la ferme de Ste-Catherine-de-Portneuf, jusqu'à ce que Lucien apprenne le métier de la maçonerie... Catherine, dans son autobiographie, et Pierre, dans le sien, parlent aussi de leur enfance à Sainte-Catherine, mais plus brièvement que Lucien. En passant, le passage de l'enseignante "un peu spéciale" dans l'autobiographie de Pierre vaut la peine d'être lu! Alphonsine avait su surmontéé les épreuves suivant le décès de son mari. La famille grandissait bien.
Raisons du déménagementDécès de Lauréat, du grand-père
La succession...La crise économique venait de commençer. Alphonsine devait penser à la succession. Le plus vieux (maintenant Lucien) aurait la terre familiale; il devait bientôt se marier. Mais les autres? Les terres se faisaient rares, et étaient chères. Les filles gagnaient plus que les hommes, en travaillant dans les maisons privées. Elles gagnaient de $15 à $18 par mois, logées et nouries. Pour celle que ne pouvaient pas cuisinées, c'était de $10 à $12 par mois.
La Voix Nationale
Premier voyage à HearstEn novembre 1933, Marie, Lucien, Jean Baptiste, et Catherine sont venue à Hearst. Ils ont visités plusieurs lots, et ont décidés d'en acheter un au Lac Ste-Thérèse, d'un M. Giroux, qui l'avait acheté de colons découragés. Ce lot avait un "shack" de 16 X 20 pied, et avait une quarantaines d'acres de défriché. Le coût était de $600. Heureusement, nous avons beaucoup de détails à propos de ce voyage:
Alphonsine devait venir avec eux, mais a changée d'idée à la dernière minute. Il faut dire que, arrivée à Hearst, Catherine y a rencontrée son future mari! Mais c'est une autre histoire... Ils avait aussi rencontrée Noël Villeneuve, qu'Henri Pominville engagera quelques années plus tard pour défricher sa terre (rapprochement entre les colons Pominville et Cantin; autre histoire à suivre...). En 1980, Marie a écrit ses mémoires concernant ce voyage. Son récit est très détaillé, et vaut la peine d'être lu.
Voiture utilisée
François nous dit, dans son livre, qu'ils avaient une vieille voiture de marque Durant. Lucien nous précise qu'elle avait été acheté par Lauréat lorsqu'il prenait ses cours à l'école technique à Québec (dans son récit, Lucien mentionne le cours de mécanicien; dans les autres récit, on nous dit que Lauréat était électricien. As-t'il apprit la mécanique pour devenir électricien? As-t'il apprit les deux métiers? L'important est qu'il avait prit un cours technique à Québec...). On nous dit que, cette été-là, l'auto n'avait pas été sortie, car c'était relativement coûteux, et ils n'en avaient pas vraiment besoin... Elle était donc d'une marque Durant. François nous dit que c'était une vieille voiture; donc pas très récente. Je suis allé chercher des models de voitures Durant des années 1920. Sur la page Wikipédia de Durant Motors, j'en ai trouvé deux bons exemplaires, que je vous présente ici: l'une est de 1923 et l'autre de 1929. Vous verrez que les deux se ressemblent beaucoup. Nous pouvons donc en conclure que la voiture utilisée par les Cantin pour leur voyage Ste-Catherine de Portneuf à Hearst en était une très semblable à celles-ci. A noter que la voiture n'avait pas de chauffage. Ni de radio. Vous pouvez oublier l'air climatisée (mais en novembre, qui en aurrait besoin!). Le confort n'est pas la même que dans nos voitures modernes... Par contre, elle avait un moteur, quatres roues, et deux banquettes... :-)
La langueLa famille Cantin a grandit en français. L'anglais, pour la famille, n'existait pratiquement pas. La plupart des membres de la familles ne comprenait pas cette langue.Une exception était Marie. Elle en connaissait la base, assez pour se débrouillée. Elle serait donc la porte-parole du groupe de voyageurs, pour les endroits où il n'y aurait pas de français...
Les baggagesLe voyage était planifié pour dizaine de jours. Il n'était pas questions de boucler des chambres d'hotels le long du chemin (si hotel il y avait!!), ou de manger dans les restaurants (qui n'étaient pas aussi nombreux qu'aujourd'hui). Aussi, la voiture n'était pas chauffée (i.e. pas de chauffrette).Donc pour baggages, ils amenaient, et je cite Marie, deux comfortables (ceux-ci avaient double fonction: nous tenir au chaud dans l'auto et servir de sac de couchage la nuit), deux oreillers et notre coffre de provision qui contenait du pain, du beurre, du sucre d'érable, des confitures et la vaiselle indispensable (rien de superflu). Nous n'avions pas de valise, c'est-à-dire, pas de vêtements de rechange. Nous partions pour une semaine, ça ne valait pas la peine d'apporter des vêtements de rechange. Nous avions sans doute une serviette, débarbouillette, peut-être un savon, je ne me souviens pas. Pour coucher, les hommes gardaient leurs sous-vêtements qui étaient très modeste, et nous, les filles, nous couchions en jupon.
Les routesPour la plupart, les routes n'étaient pas pavées. Elles étaient soient en gravier, ou en terre battue. Elle n'étaient pas large non plus: à certains endroit, les branches étaient trop proches pour rencontrer. Danc ces cas, une des voitures devait reculer.Parfois, il n'y avait pas encore de pont; un traversier devait être utilisé. A quelques endroit, c'était un pont payant (Marie nous dit qu'ils ont dépensés $2.50 pour les ponts). Faut dire qu'en 1933, surtout à la campagne, il n'y avait pas beaucoup de voitures! Lucien, dans son entrevue, nous dit que la route transcanadienne était en construction, mais que les gens ne pouvaient pas encore l'utiliser. De temps à autre, ils la traversaient... mais ils ne pouvaient pas encore s'en servir...
Le départCinq personnes devaient prendre part au voyage: Alphonsine, Lucien, Marie, Jean Baptiste, et Catherine. Le départ était fixé au 2 novembre, le lendemain de la Toussain. C'était la journée de la commémoration des morts. Le matin du départ, après une nuit blanche, Alphonsine a décidée de ne pas y aller. Elle est donc restée à Ste-Catherine, et souhaitée un bon voyage à ses enfants, tout en leur demandant d'arrêter à toute les églises sur leur chemin, pour honorer la journée des commémoration des morts (disont seulement qu'ils n'ont pas arrêtés à plusieurs églises...). Pour couvrir les frais du voyage, une somme de $100 fut amener. Le premier arrêt fut à St Raymond, paroisse voisine, pour acheter le permis de conduire pour Lucien, et les licenses pour l'auto: $23 -- faut dire que, dans ces années, ce n'était pas difficile d'obtenir un permit de conduire! Pour aider à suivre leur parcour, je suis allé au musée de Clarence-Rockland, et, avec l'aide du curateur, nous avons trouvé une carte du Canada datant des années 1940 ou 1950. J'en ai pris une photo, et ajouté le trajet fait en novembre 1933 par Lucien, Jean Baptiste, Catherine, et Marie. J'ai numéroté ce trajet, et ajouté une légende au bas de la carte pour résumé ce voyage. J'invite le lecteur à suivre le trajet sur cette carte, tout en continuant la lecture de leur premier voyage en Ontario.
MontréalNuméro 2 sur la carte. Il était planifié d'arrêter à Montéal, chez les Pères Colonisateurs, afin de récupérer des lettres de référence des mains de l'abbé Joseph Aldéric Ouelette. Il y avait aussi l'abbé Joseph Payette, et le chanoine Zénon Alary. L'Abbé Ouelette était le Père Colonisateur qui avait été chez la famille Cantin. Il avait deux neveux déjà dans le nord de l'Ontario; c'était Noël et Sébastien Villeneuve. Souvenez-vous de ces noms... puisque quelques années plus tard, l'un deux deviendra mon oncle, et l'autre sera engagé par mon grand-père maternel pour défricher sa terre à Hallébourg! Ces lettres de références étaient importantes, puisqu'ils légitimisaient la famille Cantin comme colonisateurs catholique français, et les identifiaient comme amis de l'Eglise. L'une d'entre elle était pour Monseigneur Hallé, et l'autre, pour les frères Villeneuve. Sans ces lettres, ils n'auraient probablement pas reçu autant d'aide lors de leur arrivée à Hearst ce premier voyage... PlantagenetNuméro 3 sur la carte. Le premier soir de ce voyage, ils ont couchés à Plantagenet, dans l'est Ontarien. Lucien nous raconte une annecdote qui en vaut la peine d'être répétée. Les portes de la voitures n'avaient pas de vérous. Impossible de les vérouillées. Lucien n'était pas confortable avec ça, et, avant de partir, avait demandé conseil à son mécanicien. "Facile, lui avait dit le mécanicien, le soir, tu n'as que lever le cap distributeur, et enlever le rotor pour le mettre dans tes poches. Le lendemain matin, remet-le en place". Donc à rendu à Plantagenet, Lucien enleve le rotor et le met dans une poche de son manteau. Le lendemain matin, la voiture ne voulait pas démarrer. Ils ont fait appel à un mécanicien, qui ne trouvait pas le problème... jusqu'à ce que Lucien se souvienne que le rotor était encore dans la poche de son manteau... La voiture a bien fonctionnée par la suite! MattawaNuméro 4 sur la carte. Le deuxième soir, ils s'arrêtent à Mattawa. Leur stratégie, le soir tombant, était d'arrêter à une station d'essence ou à une épicerie, et demander s'il y avait des francophones qui louaient des chambres pour des voyageurs. A Mattawa, la femme de l'épicié gardait parfois des comis voyageurs, donc elle a offert une chambre. Elle était si contente de garder des francophones, qu'elle a offert de d'organiser une veillée de danse, invitant quelques voisins. Mais comme les Cantin de savaient pas danser (ils ne l'avouèrent pas!), ils ont dit qu'ils étaient fatigués et voulaient se reposer. Donc après le souper (nourriture qu'ils apportaient avec eux), la dame leur donna leur pot au chambre et de l'eau (pour ceux qui ne savent pas, le pot au chambre est un contenant servant de toilette durant la nuit). Le lendemain matin, ils réalisèrent que le pot au chambre était vide: il avait un trou! Et leur chambre était au-dessus d'une épicerie... Disons seulement qu'ils sont partis à la hâte ce matin-là. Latchford/CochraneNuméros 5a (Latchford) et 5b (Cochrane) sur la carte. Le troisième soir, ils ont couchés à Latchord. Marie mentionne qu'ils n'ont pas trouvés de francophone. Le coût de la chambre était de $1.00. Elle était confortable, puisque la chaleur montait par un trou de 12 pouces, situé sous un meuble. Voici l'annectode de cette soirée: après avoir mangé, ils ont remarqués, sur des crochets en arrière de la porte de chambre, du beau linge de femme et même un beau manteau de fourrure. Alors que Catherine essayait le manteau de fourrure, un des garçon (qui était près de la porte) a frappé comme si quelqu'un voulait entrer. Disons seulement que le manteau fut enlevé rapidement, et que l'essayage du "beau linge" était terminé... Le lendemain, dimanche, messe à Cochrane, pour ensuite continuer jusqu'à Hearst. HearstNuméro 6 sur la carte. En général, les routes n'étaient pas belle comme elles le sont aujourd'hui (voir section sur les routes plus haut). Mais la route entre Cochrane et Hearst en était une des pires. Elle était très mauvaise, avec seulement une trace; pour rencontrer, il fallait presque arrêter. Marie nous dit qu'ils roulaient à 25 miles à l'heure (40 km/h). Arrivés à Hearst, ils sont allés directement chez l'évêché, voir Monseigneur Hallé, lui remettre leurs lettres de références. Coutume de la région révélée par Marie: dans ce temps là, lors d'une rencontre avec l'évêque, l'on se mettait un genou par terre pour embrasser la bague de Monseigneur (c'était nouveau pour les quatres Cantin). Après la visite avec Mgr Hallé, ils sont allés chez les Villeneuve, où ils furent hébergés; la résidence des Villeneuve est passée de quatre à huit personnes pour ces quelques journées. Il ont aidés à faire des travaux (ex: scié du bois à la scie-ronde), et des terres furent visitées. Le choix fut arrêté sur une terre près du Lac Ste-Thérèse. Faut dire que Jean Baptiste était un fervent de la pêche. Et Lucien, dans la troisième partie de son entrevue, nous parle d'un lac de 45 miles de long, mais pas très large par endroit (il parlait de la chaîne des lacs). Près du Lac, il y avait une chapelle, qui habritait aussi une école. Catherine, dans son livre, écrit: Il y avait aussi la beauté et la grandeur du lac. Bien que nous étions en novembre, nous avons été impressionnés par le coup d'oeil: cette étendue d'eau recouverte de neige semblait si reposante. Elle parle aussi de la propriété du monsieur Lambert, et de la chapelle. C'était après deux jours de visite, et une chute de neige de 8 pouces (20 cm). Cette terre avait environ 40 acres de défrichée, et avait un camp de 16 par 20 pieds (environ 5 par 6 mètres). Le propriétaire, un spéculateur, était un M. Giroux; il en demandait $600. Les papiers furent signés le soir même, à l'évêcher, avec un juge de paix, à la lueur d'une lampe à l'huile (il n'y avait ni notaire, ni avocat). Les détails du paiement et du transfer officiel de la terre se sont faites au cours de l'hiver suivant. Ce soir-là, en signant les papiers à l'évêcher, ils ont fait connaissance avec l'abbé Georges Brosseau, qui desservait la paroisse du Lac Ste-Thérèse.
RetourAprès avoir passé deux jours et demi à Hearst, et acheté une terre, c'était le temps du retour. Ce chemin de retour s'est fait sans difficultés.Voici quelques points sur ce retour:
C'était le 10 novembre 1933. Neuf jours ils étaient partis. Deux jours après leur arrivée, une tempête de neige a complètement bloquer les chemins.
Le déménagementIls avaient donc l'hiver pour planifier leur déplacement, qui fut fait par quelques étapes distinctes, démontrant l'organisation de la famille.
Etape 1, mars 1934: préparation pour constructionEn mars 1934, Jean Baptiste et Ubald Germain (son vrai nom était Ubaldo; il était fiancé avec Marie) arrivèrent pour préparer le bois nécessaire pour la construction de la maison et de la grange, et pour s'occuper des semences. "Préparer le bois" voulait dire, couper les arbres (du tremble), l'amener au bon endroit, l'équarire à la hache, ect.Pour s'habriter, il y avait le shack de 16'x20'. On me dit qu'il était situé à quelques centaines de mètres au sud d'où est aujourd'hui l'ancienne maison de Pierre Cantin. C'était environ à mi-chemin entre les extrémités sud et nord du terrain.
Etape 2, mai 1934: arrivé de François avec machinerie agricole, animauxDeux mois plus tard, au mois de mai, François, 16 ans, prend le train à Québec dans un wagon contenant du ménage, de l'équipement, des animaux. A son arrivé, le bois était déjà coupé pour la construction de la maison. Les billots avaient été amenés à l'aide de boeufs, propriété du ministère de la Colonisation.
Le voyage de François est raconté par lui-même, dans
ce document qu'il a écrit en 1985, et par la suite
ajouté comme un chapitre dans son livre,
Je le résume dans les prochaines lignes. C'étai en mai 1934. François venait d'avoir 16 ans. Il avait laissé l'école à 14 ans. Son plus long voyage à date: la ville de Québec (25 milles, 40 km), en cheval, avec son frère Lucien. Sa responsabilité pour ce voyage: s'assurer que le contenu d'un box car (wagon de marchandise) partant de Ste-Catherine de Portneuf se rende à Hearst. Le contenu de ce wagon: de la machinerie agricole, du moblier, 2 vaches, 4 petit cochons, une cage de poule (une quinzaine?), son chien Pateau, et la nourriture, incluant un baril d'eau, pour lui et les animaux.
Description générale du voyageLe trajet: St-Raymond, Rivière-à-Pierre, Latuque, l'Abitibi, Cochrane, Hearst. J'ai utilisé la même carte que celle du voyage en novembre 1933, pour créer la route que François a prit en train. Souvenez-vous: il vient d'avoir 16 ans, et n'a jamais voyagé; il ne parle pas anglais. Le train est parti un lundi du mois de mai, avec ce wagon de marchandise "spécial". Aussitôt parti, il se rendit compte qu'il aurrait certains défis à relever, le premier étant celui de garder assez d'eau dans le baril: les contrecoups étaient tels, que le baril se vidait sans que les animaux aient but de l'eau! Chaque fois que le train arrêtait, il devait se dépêcher pour chercher de l'eau (ex: dans les fossés) pour remplir le baril. Ces même contrecoups augmentaient aussi le niveau de stress chez les animaux qu'il transportait. Résultat: les vaches produisaient moins de lait (nécessaire à nourir les cochons, et pour François de boire), les poules pondaient moins (donc moins de nourriture pour François), et les oeufs qui étaient pondus ne restaient pas toujours dans la cage. Par contre, avec le temps, les vaches purent deviner quand les contrecoups arrivaient: lorsque le train ralentissait, ou accélérait, on pouvait entendre les contrecoups venir de l'avant du train, donc on pouvait se préparer! Le siège de François était la cage des cochon. Au-dessus de lui était suspendu la cage des poules (non seulement il devait s'assurer de ne pas recevoir les oeufs sur la tête, mais il devait aussi s'assurer d'éviter leurs crottes); celles-ci on cessées de pondre après quelques journées.
Un wagon de marchandise a habituellement deux portes: une de chaque côté du wagon. Dans le cas de celui de François, une porte était fermée, alors que l'autre restait ouverte. A travers cette porte, pour mesure de sécurité, quelques deux par quatre en bois avait été installés. C'était par cette porte ouverte que François entrait et sortait du wagon. Deux exemples de boxcar sont intégrés avec ce texte. Un exemple de l'intérieur d'un boxcar est aussi démontré; imaginez des instrument aratoires, des animaux, du foins, de la nouriture, un barils d'eau, dans cette espace. Le train n'était pas toujours en movement; il s'arrêtait assez souvent, pour réorganiser les wagons. Parfois, le wagon de marchandise de François pouvait rester immobile pour plusieurs heures. Quand le train avançait, c'était le temps de nettoyer le fumier. Quand il était arrêter, c'était le temps de traire les vaches, d'aller chercher de l'eau...
Les jumpers de freightC'est pendant l'une de ces longues immobilisation que cet incident se produit. Alors que François attendait que le train reparte, quelque part en Abitibi, deux individus se sont approchés, et offer à François un repas dans un restaurant, près de la voie ferrée. François hésitait. Son wagon était immobilisé, mais avait été rattaché à un train. Pateau aboyait. Finalement, il mentionna qu'il irait, mais devait commencer par attacher Pateau, pour ne pas qu'il les suivent. En attachant son chien, le train siffla pour avertir son départ. C'est à cet instant que François a réalisé qu'il s'était presque fait prendre par des jumpers de freight... CochraneLe sixième jour, le wagon vient d'être mis sur une ligne d'à côtée. François remarque que la locomotive change des wagon de voies. Ceci veut habituellement dire qu'il y sera pour plusieurs heures. Il ne sait pas où il est, mais crois être en Ontario...Il voit quelques maisons au loin, et un édifice qui ressemble à une gare. Il décide de s'y rendre, en traversant plusieurs voies. Il peut maintenant voir qu'il est à Cochrane. Arrivée à la gare, il n'est pas certain de son prochain geste, lorsque quelqu'un sort de la gare et lui demande quelque chose en anglais. Comme François ne comprend pas, on lui trouve un interprête, qui lui demande si il est le responsable du wagon d'équipement. Il questionne François, pour s'assurer qu'il n'y a pas d'autre passagers (qui eux, seraient clandestins!). Néanmois, il se fait dire qu'il devrait arriver à Hearst le lendemain.
Hearst, Jogues, Lac Ste-ThérèseLe lendemain matin, après avoir voyagé pendant la nuit, il se reveille dans un silence. Il regarde dehors, et réalise qu'il est arrivé à sa destination! Il sort sa bicyclette (qui était accrochée au plafond), et trouve quelqu'un pour demander la direction pour se rendre au Lac Ste-Thérèse. L'individue lui répond "Tu vois le pont la-bas et bien traverse le et suit toujours la route principale et ça te conduira directement au Lac Ste-Thérèse". François trouvait ça louche, puisqu'on lui avait dit, avant de partir, d'aller vers le nord, alors que cet individue lui disait d'aller vers le sud... Il commence à pédaler, traverse le pont, et continue son chemin. Et continue de pédaler, jusqu'à ce qu'il arrive à une traverse de chemin de fer (il était arrivé à Jogues!). Il y voit trois hommes. Il leur demande de confirmé les directions que le premier individu lui avait donné. C'est alors qu'il s'est aperçu qu'il s'est fait avoir. Cette fois, on lui donne des instructions détaillées. Il retourne donc, vers la direction d'où il venait, le moral pas trop haut, et les jambes molles (faut se souvenir que les chemins étaient soit en gravier, ou sur la terre battue). Il arrive à Hearst (de nouveau), traverse la voie ferrée de St-Pie X, et arrive au chemin du Lac. Il aperçoit un gars avec une team de chevaux, et lui demande s'il va dans la bonne direction en tournant à gauche (vers le nord!), pour se rendre au Lac Ste-Thérèse. Ce gars lui réponds: "Oui justement c'est ça, tu ne serais pas un Cantin?". Puis, "mon nom est Sébastien Villeneuve". Il était maintenant confiant d'être dans la bonne direction. Plusieurs kilomètres plus loin, fatigué, il arrive à un camp en bois rond, où un homme est dehors. Cet home l'interpèle: c'était Ubald Germain. Jean Baptiste était à l'intérieur du camp. Sa tâche était terminée.
Etape 3, juin 1934: arrivé d'Alphonsine, Catherine, Gérard, Ernest, LucienLe mois suivant, en juin, Alphonsine, Catherine, Gérard, Ernest arrivait, en automobile, conduite par Lucien. Celui-ci y est resté une bonne partie de l'été, pour aider à la construction de la maison. Par la suite, il est retourné sur la terre paternelle.Souvenons-nous que François était arrivé le mois précédant avec des animaux, du matériel aratoire, et des provisions. Il avait aussi aidé à la préparation pour la construction de la maison.
Crevaisons...Dans la troisième partie de son entrevue, Lucien nous parle du voyage de Ste-Catherine à Hearst. Il nous dit que, l'automne précédant, ils avaient souvent traversés la nouvelle route (en construction), mais elle était fermée. En utilisant ses mots: "On voyait la gravelle, les ch'mins étaient ronds, des ch'mins à parte de vue... mais... ont pouvaient pas passer d'sus." Par contre, cette fois-ci, ils ont utilisés cette belle nouvelle route, avec la belle roche concassée... Mais cette roche concassée n'était pas bonne pour les pneus de la voiture de Lucien! C'était crevaison après crevaison. Lucien en rapporte 17. Catherine et François en rapportent 18. L'important n'est pas le nombre exacte de crevaisons, mais le fait qu'il y en a eu plusieurs (près d'une vingtaine). Et que Lucien réparait ces crevaisons à l'endroit où elles se faisaient -- dans son entrevu, il explique en détail comment il s'y prennait pour les réparer. Ces crevaisons les ont retardés. Il ont prit quatres jours pour le voyage de Ste-Catherine à Hearst...
shackSur la nouvelle terre des Cantin, ils couchaient tous dans le shack déjà construit. Ils étaient huit. Il y avait un, peut-être deux lits (si lits il y avait!). La plupart du temps, ces shacks n'avaient qu'une seule pièce, aucune eau courrante, et certainement pas d'électricité. Le plancher? Je ne peux que spéculer sur le plancher. Soit en terre battu, en bois equari, ou en planche. Ou peut-être une partie en terre battue et le reste en bois. Ca veut dire que la plupart couchaient par terre (sur des matelas de branche d'épinettes?). Pas trop confortable comme maison...
Construction de la nouvelle maisonQuand Lucien est arrivé avec Alphonsine, Catherine, Gérard, et Ernest la plupart des billots étaient déjà coupé/équaris, et la construction de la maison avait commencée. Jean-Marie Gratton avait été engagé pour aider à la construction de la maison. J'ai cette information de deux sources: de l'entrevue de Lucien (partie 3), et de l'entrevue donné par Jean-Marie Gratton et sa femme Yvonne à Agnès Cantin, vers la fin des années 1970. Lucien nous dit que lorsque la maison fut construite, le shack original fut converti en étable. Est-ce qu'ils ont déménagé l'étable? Je ne sais pas. Pourtant, plusieurs personnes m'ont dit que le shack original était à quelques centaines de mètres au sud d'où était le premier étable... C'est probablement une de ces chose que ne seront jamais éclaircies...
Histoire de moustiques... et de pantalonsLes écrits des Cantin (François, Marie, Catherine, Lucien) nous disent la même chose concernant comment contrôller les moustiques, ces maringuins agaçants, à l'intérieur de la maison: prendre de l'herbe verte, la mettre dans une chaudière en métal, et y mettre le feu (souvent de la braise). Ceci produit une boucane que ces maringouins n'aiment pas du tout. Ca fait une demeure "boucanée", mais au moins, il n'y a pas de maringouins! Pour l'extérieur, cette "recette" ne fonctionnne pas très bien. Lucien nous explique un autre procédé: ils utilisaient un mouchoir taché d'une huile noire très épaise, qui sentait fort. Lucien lui donne quelques noms: "coltar", "goudron américain"... Ils portaient ces mouchoir autour de la tête, ou dans le cou. Ca aidait à éloigner les maringouins. A l'entrée dans la maison, ce mouchoir restait à la porte... parce que ça sentait trop fort.
Lucien nous parle aussi de "fly tox", parfois utilisé la nuit. Ce "fly tox" était une sorte de pompe spéciale (pensez petite pompe à bicyclette), avec un petit réservoir près du bout (qui contenait une sorte d'huile), et un trou au bout pour l'évacuation de l'air (que la pompe poussait) et de l'huile en "vapeur". Je crois que le "fly tox" est venu un peu plus tard. Je me souviens d'avoir cette pompe à la maison dans les années 1960; mon père l'utilisait encore.
Je partage quelques photos de cette pompe, trouvée à La Fondation Omer Cantin. Je dois raconter une annectote que Lucien raconte dans la troisième partie de son entrevue, mais que j'ai aussi entendu de d'autres sources: un soir d'été 1934, alors qu'il y avait beaucoup de maragouins, de la braise avait été mis dans une chaudière à métal, et de l'herbe verte ou du trèfle avait été mis dans la chaudière. Le shack est venu boucané, et les huits personnes se sont couchées, la plupart par terre, près de la table et des chaises. Sur le dos d'une de ces chaises, Alphonsive avait installée six paires de pantalons propre, utilisés seulement pour aller en ville, ou pour le dimanche. C'était les seuls pantalons propres qu'ils avaient. Pendant la nuit, dans son someil, une des personnes doit avoir poussée la chaise contenant les pantalons plus près de la chaudière. Les bretelles de ces pantalons pendaient assez bas... assez bas que le feu a prit dans les bretelles, et s'est rendu jusqu'aux pantalons. Un à-côté: ces années-là, les hommes ne portaient pas de ceinture. Les bretelles étaient ce qui tenaient les pantalons. Ca boucanait donc, mais, commes les Cantin étaient habitués à la boucane (pour se débarasser des maringouins), il était déjà trop tard lorsqu'ils se sont aperçus que c'était les pantalons qui brûlaient et non la verdure pour éloigner les maringouins! Disons seulement qu'Alphonsine n'était pas très impressionnée, et que les garçons ont dû "porter du vieux" pour un certain temps...
Etape 4, automne 1934: arrivé d'un deuxième wagon de marchandise; de Marie, Lucie, PierreLa maison fut donc construite durant l'été 1934, à l'endroit même où est la maison de Pierre Cantin (de la Fondation Omer Cantin) aujourd'hui (en 2022). Catherine mentionne qu'ils y sont déménagés fin septembre (mais elle n'y était pas, étant encore à Ste-Catherine...). Lucien avait resté pour aider à la construction de la maison, et aider la famille à s'installer. Il y est resté pour environ trois semaines, retournant à Ste-Catherine au mois de juillet (Lucien mentionne trois semaines, et François mentionne le mois de juillet; par contre, dans son récit, Catherine mentionne le mois d'août; l'important n'est pas le nombres exacte de jours passé au Lac, mais bien qu'il a passé un certain montant de temps pour aider à la construction de la maison). Pierre, Marie, et Lucie étaient restés à Ste-Catherine, pour prendre soin de la terre maternelle. Lucien avait aidé à faire les semances au début du printemps, mais avait par la suite conduit Alphonsine, Catherine, Gérard et Ernest au Lac Ste-Thérèse. Les autres avaient restés pour prendre soins de la ferme et des animaux. Lucien est donc retourné à Ste-Catherine en juillet, par train, pour se marier en novembre, et prendre en charge la ferme maternelle. Pierre, Marie, et Lucie sont restés à Ste-Catherine jusqu'au mariage de Lucie. Par la suite, ils sont partis et arrivés à Hearst, en même temps qu'un deuxième wagon de chemin de fer contenant des machineries, des provisions, des patates. La famille était à nouveau rassemblée. Elle était prête à passer son premier hiver dans sa nouvelle maison, dans sa nouvelle communauté.
Un merci spécial à François, Marie, et Catherine, pour avoir mis leur mémoires sur papier. Aussi à Omer Cantin, qui a su les appuyer, surtout François, avec la publication de son autobiographie, "Un gars ben ordinaire", publié par la maison d'édition d'Omer, Les Editions Cantinales, en 1995. Aussi (oui, encore, mais c'est bien mérité), à Omer et la Fondation Omer Cantin -- allez voir sa page sur Facebook: il contient beaucoup d'information, un certain nombre que j'utilise pour la rubrique #HistoriqueCantin, dans ces pages ainsi que d'autres qui suivront...
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